Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/212

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j’étais en droit de m’y attendre de ta part, tu m’as abandonné ; tu étais libre cependant, bien vu et considéré par les Espagnols ; je crois même que certain coup de couteau que je reçus à cette époque par une certaine nuit noire, sur le port, me venait un peu de toi.

— Peux-tu supposer ce ! a, mon vieux Barthélémy ?

— Je te connais si bien, matelot ! Bref, je brisai les chaînes qui me liaient, car j’étais attaché comme une bête fauve ; je m’échappai et, après bien des traverses, je ne sais comment j’abordai sur cette côte, et je me réfugiai dans ces bois. Un jour le hasard nous mit en présence : tu étais riche, j’étais pauvre ; tu pouvais me secourir, tu ne le fis pas.

— Matelot, tu oublies…

— Que tu m’as offert d’être ton domestique, c’est juste ; j’ai refusé, moi, le capitaine Barthélémy, le célèbre flibustier, valet d’un… enfin passons aussi là-dessus ; seulement, ajouta-t-il après un temps avec un sourire ironique, je dois te rendre cette justice que tu ne m’as pas vendu.

— Oh !

— Je ne t’en remercie pas : en me dénonçant, tu te perdais ; car tu savais que je n’aurais pas hésité à dévoiler ton nom, et les Espagnols le connaissent, un peu plus même, que tu ne le désirerais sans doute ; maintenant, après trois mois, pendant lesquels tu ne t’es pas un instant inquiété de