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Le Hasard mit le cap sur l’Europe.

Pourquoi le corsaire prenait-il cette direction ?

C’est qu’Ivon Lebris, en véritable Breton qu’il était, ne se tenait pas encore pour battu ; une pensée étrange avait traversé son esprit, il mûrissait un projet audacieux dont la réussite lui paraissait infaillible ; mais ce projet, il ne voulait pas le mettre à exécution avant que de s’être sérieusement concerté avec l’autre ami dévoué de son matelot, c’est-à-dire avec M. Maraval, le banquier français de Cadix, dont il connaissait la vaste intelligence, la justesse de raisonnement, et surtout la bonté et la finesse d’esprit.

Mais pour voir M. Maraval et se concerter avec lui, Ivon était contraint d’accomplir presque le tour du monde, de faire une traversée de plusieurs mois, de braver les plus grands périls, et finalement d’aller se jeter dans la gueule du loup, en s’introduisant audacieusement dans Cadix, et se livrer ainsi aux mains de ses ennemis les plus acharnés, les Espagnols, auxquels il avait depuis plusieurs années fait tant de mal.

Mais toutes ces considérations, si graves qu’elles fussent, n’étaient pas suffisantes pour arrêter Ivon Lebris.

Coûte que coûte, il voulait arracher son matelot à l’existence malheureuse à laquelle celui-ci s’était condamné, dût-il, pour obtenir ce résultat, renverser des montagnes.

Voilà pour quelles raisons Ivon Lebris, en quittant la baie de Santa-Buenaventura, avait mis résolument le cap sur l’Europe.

Nous verrons bientôt quel succès eut cette étrange résolution.