Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/133

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sèrent un cri de joie en reconnaissant l’auteur de cette singulière interruption.

C’était Ivon Lebris, toujours fler et résolu ; mais pâle, maigri, le regard éteint et la tristesse empreinte sur le visage.

Connu de tout le monde dans la maison du banquier, le Breton était entré tout droit, sans être interrogé ; il s’était rendu au cabinet du banquier, où il était arrivé précisément à temps pour intervenir dans la conversation, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut.

À peine M. Maraval laissa-t-il au marin le temps de s’asseoir.

— Comment osez-vous venir en cette ville et jouer ainsi votre tête, mon ami ? lui dit-il. Si vous étiez surpris, vous seriez arrêté et exécuté sans autre forme de procès.

— Je le sais, répondit Ivon Lebris sans autrement s’émouvoir, mais cela m’est complétement indifférent. Il s’agit de mon matelot : cette raison, pour moi, prime toutes les autres. Je viens tout exprès pour vous demander conseil. Voilà quinze mois que j’ai mis le cap sur Cadix ; mais ces démons d’Espagnols…, pardon señor don Carlos de Santona, font bonne garde sur leurs côtes ; le Hasard est signalé partout, je n’ai pu réussir à me faire jeter à terre ; mais, comme je tenais essentiellement à vous voir, j’ai laissé le Hasard à Lisbonne, j’ai frété un chasse-marée pêcheur, et me voilà. À présent, causons, voulez-vous ? Je n’ai pas de temps à perdre.

Je ne demande pas mieux, répondit M. Maraval en souriant malgré lui ; mais avant tout, il importe que nous sachions bien tout ce qui s’est