Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/252

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ostensiblement, j’ai semblé vous oublier, en secret mes regards ne vous ont jamais perdu de vue, autant que cela m’a été possible.

Le passé est mort, mon père ; à quoi bon essayer de le ressusciter ? D’ailleurs, dans aucun cas, un fils n’a le droit d’adresser des reproches à son père ; brisons donc là, je vous prie. C’est d’aujourd’hui seulement que notre vie commence, le passé n’est et ne doit plus être qu’un mauvais rêve, que vous et moi nous essaierons d’oublier pour ne plus songer qu’à réparer dans l’avenir ce que nous n’avons pu faire dans le passé, et nous aimer pour tout le temps que nous avons perdu.

— Bien, mon fils, je suis fier et heureux de vous entendre parler ainsi ; c’est bien mon sang qui coule dans vos veines ; mais il est telles choses que vous ignorez et que vous devez savoir.

— Parlez, mon père, je vous écoute.

— J’avais deux fils et une fille, don Carlos ; mes deux fils sont morts, comme meurent ceux de notre race, sur le champ de bataille ; ma fille est mariée au marquis de Palmarès Frias y Soto ; vous la verrez bientôt et vous l’aimerez, c’est un ange !

— C’est ma sœur, mon père.

— Dès aujourd’hui, vous êtes marquis de Soria ; avant huit jours, vous serez muni d’une charge à la cour, digne du sang dont vous sortez et du nom que vous portez. La loi m’empêche de vous reconnaître, mais elle me permet de vous adopter, ce que j’ai fait. Donc pour tous, excepté pour moi, vous êtes mon fils adoptif.

— Permettez-moi de vous interrompre, mon père.