Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Devant son beau-frère et le chef de la police, le marquis ne s’était pas senti la force de jouer jusqu’au bout le rôle qu’il avait prétendu prendre : tous les ressorts de son esprit étaient brisés. D’ailleurs, il n’était pas un malfaiteur dans la vulgaire acception du mot ; il avait cédé à la frayeur, il avait été saisi d’un accès de folie furieuse : de là son crime, crime injustifiable, mais dont lui-même n’avait pas conscience en le commettant.

En somme, ce crime odieux avait été commis sous l’impulsion de l’un des sentiments les plus vils de l’humanité, celui de la peur !

Ce fut ainsi qu’Olivier reconstitua, une à une, dans son esprit, après mûres réflexions, les péripéties effroyables de cette hideuse tragédie ; ses inductions étaient essentiellement logiques, elles étaient justes, la scène avait dû se passer ainsi.

Cependant, malgré toutes les précautions prises pour étouffer cette affaire, la nouvelle s’en était répandue avec une rapidité électrique, et avait éclaté comme un coup de foudre sur la ville à son réveil, commentée, brodée et augmentée avec toute l’exagération particulière aux races méridionales.

La population tout entière de Madrid était plongée dans la stupeur et l’épouvante. La calle de Alcala se trouva en un instant envahie par une foule innombrable qui accourait voir le théâtre du meurtre. Victor Hugo, le grand maître, le génie puissant, a dit quelque part : Rien n’est curieux à examiner comme un mur derrière lequel il s’est passé quelque chose. Il a eu cent fois raison, le profond philosophe ; il connaît bien toutes les faces de