Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/365

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de mon nom et de mes titres ! Homme de devoir, vous vous êtes dévoué à moi ; vous vous êtes efforcé de m’aimer, afin de répondre à ma tendresse, et vous y êtes parvenu ; mais, moi mort, vous vous hâterez de vous débarrasser d’un fardeau trop lourd pour vos épaules, et vous retournerez à votre première existence, je le sens, je le vois. Les approches de la mort rendent clairvoyant, l’avenir dévoile ses mystères à ceux dont les yeux vont se fermer pour toujours. Dieu, qui lit dans les cœurs, savait mieux que moi mes égoïstes calculs ; il me frappa du coup le plus terrible, et sous lequel je devais être terrassé, pantelant et vaincu. La mort horrible de ma fille m’a achevé ; je ne verrai pas l’aurore prochaine, avant deux heures je serai mort. Mon fils, vous avez entendu ma confession sincère ; mon fils, à cette heure, je vous crie : Pitié du fond du cœur ; je vous supplie de me pardonner le mal que je vous ai fait : entendrez-vous ma prière, mon fils ?

— Mon père ! s’écria Olivier en éclatant en sanglots, soyez béni à tout jamais ! Mon père, puisque vous exigez de moi cette parole, mourez en paix, je vous pardonne et je vous aime ! oh ! du plus profond de mon âme ! Hélas ! pourquoi ne, vous ai-je pas connu plus tôt !…

Il se précipita sur le corps du vieillard, qu’il inonda de ses larmes et auquel il prodigua les plus touchantes caresses.

— Je suis heureux, bien heureux, mon fils, dit le vieillard après un instant ; grâce à vous la mort me sera douce ! Je le sens, Dieu aussi m’a pardonné !

Il demeura pendant assez longtemps plongé dans une espèce d’extase mystique.