Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/60

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et de liqueurs embarqués à Bordeaux, et dont il n’avait terminé le déchargement que la veille seulement de l’arrivée de ses passagers.

On voit que le digne capitaine n’était pas demeuré les bras croisés, pendant que ses passagers visitaient tout à leur aise l’Italie et la Suisse ; il était joyeux et se frottait les mains, tout en calculant mentalement les énormes bénéfices que la générosité d’Olivier lui avait permis de faire.

En apprenant l’arrivée de ses passagers à Anvers, le capitaine se hâta d’aller leur faire visite pour se mettre à leurs ordres et leur témoigner le grand plaisir qu’il éprouvait à les revoir.

Il fut très-gracieusement accueilli par Olivier, qui écouta complaisamment le récit des nombreuses spéculations auxquelles il s’était livré ; il se retira après avoir reçu l’ordre de se tenir prêt à mettre sous voiles au premier signal.

Une certaine réaction heureuse s’était opérée dans l’esprit d’Olivier depuis son départ de Vevey ; en apparence, du moins, il était presque redevenu ce qu’il avait été auparavant : gai, aimable, causeur, insouciant même ; mais ni Dolorès ni M. Maraval ne se trompaient à ces dehors joyeux ; ils comprenaient trop bien que, pour ne pas les attrister, le jeune homme avait, par un puissant effort de sa volonté de fer, réussi à renfermer sa douleur au dedans de lui-même, mais qu’au fond du cœur il lui restait une blessure toujours saignante. Tout en feignant, eux aussi, de se réjouir et de s’associer à sa bonne humeur, ils se sentaient chaque jour plus inquiets de cette dissimulation, à laquelle Olivier ne les avait pas habitués jusqu’alors.