Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/129

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de soulever des montagnes et d’accomplir les actions réputées les plus impossibles !

— Sait-elle ?…

— Elle ne sait rien.

— Comment ?

— Sur mon honneur ! jamais un mot échappé de mes lèvres, jamais un regard, enfin, ne lui a fait soupçonner ce sentiment, que j’essaie vainement de me cacher à moi-même. Je l’aime comme on adore Dieu dans ses œuvres ! avec passion, avec délire, mais sans espoir ! Que suis-je ? et que puis-je être pour elle ? moi le paria sans nom, sans famille et sans patrie !

— Olivier !

— Je vous dis la vérité, sans amertume et sans haine dans le cœur, mon ami ; quand je l’ai vue pour la première fois, elle avait dix ans à peine, c’était une enfant blonde, rieuse et insouciante, comme un mignon chérubin aimé qu’elle était : je me suis senti invinciblement attiré vers elle. D’où proviennent ces attractions fatales et irraisonnées ? Dieu seul le sait, lui qui dans ses voies insondables crée les sympathies et les antipathies. Je me suis brusquement arraché d’auprès d’elle ; je suis parti, résolu à ne plus la revoir. Trois ans s’écoulèrent. Je ne la cherchais pas, je la fuyais ; son souvenir était toujours aussi vivace et aussi brûlant au fond de mon cœur. Un jour, le hasard nous remit en présence, à l’improviste : l’impression que j’éprouvai en la voyant fut terrible ! Un instant, je crus mourir ; j’en étais heureux ! Il n’en fut rien, je revins à moi. L’enfant avait subi une métamorphose presque complète, la chrysalide devenait papillon.