Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/155

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tion accomplie, il me porta lui-même rue d’Enfer, à l’hospice des Enfants-Trouvés.

Vous le voyez, les précautions étaient bien prises ; rien n’avait été négligé pour détruire toutes les traces du double adultère.

Après un an ou deux peut-être de séjour à l’hospice des Enfants-Trouvés, je le quittai et je fus transporté dans une ferme, aux environs d’Orléans, où je demeurai pendant deux ou trois ans à me rouler dans la poussière et me vautrer dans la fange avec cinq ou six autres misérables, appartenant comme moi à l’hospice ; ces deux ou trois années furent sans contredit les plus heureuses de ma vie.

Les braves gens auxquels on m’avait confié étaient bons pour moi ; ils m’aimaient à leur manière et me bourraient de pain et de pommes de terre, sans compter les tartines de beurre et de miel.

Un jour, une voiture bourgeoise arriva à la ferme ; on m’habilla, on me débarbouilla, et je partis après avoir embrassé en pleurant le fermier et sa femme, qui pleuraient, eux aussi, en me voyant partir. Je regrettais fort cette ferme où j’avais joui d’une liberté si complète. On me conduisit à Paris, tout en haut du faubourg du Roule, dans un pensionnat de demoiselles.

Ce pensionnat était tenu par une certaine Mme Perre, une Flamande de Dunkerque, fort belle encore, qui prétendait descendre de Jean Bart, dont elle conservait la canne, et dont le mari était corsaire et se battait comme un démon contre les Anglais, auxquels il faisait tout le mal possible mais ils finirent par s’emparer de lui et ils le je-