Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/160

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que moi ; ce fils avait été mis en nourrice loin de Paris ; un jour, ses parents apprirent sa mort, cette nouvelle les désespéra ; M. Hébrard, le banquier et l’ami intime des deux époux, mais particulièrement de Mme Lugox, vint sur ses entrefaites leur faire une visite.

— À quoi bon vous chagriner ainsi ? leur dit-il ; vous connaissiez à peine votre enfant ; vous ne l’aviez vu que pendant quelques heures ; c’est un bonheur pour vous qu’il soit mort ; etc., etc.

Il continua pendant assez longtemps ces singulières consolations, puis il les termina brusquement, en faisant tout net aux deux époux les propositions suivantes, qui furent acceptées d’emblée :

Me faire passer pour leur fils, que personne ne connaissait, et dont j’avais l’âge ; M. Lugox, serait nommé consul aux États-Unis d’Amérique ; Mme Lugox recevrait, à titre d’indemnité, une somme de dix mille francs chaque année ;

À son départ pour son consulat, M. Lugox toucherait de la main à la main, et sans reçu, une somme de trente mille francs pour ses frais de déplacement.

M. Hébrard connaissait le cœur humain, il savait à qui il s’adressait : les pleurs se séchèrent subitement, et le lendemain, sans plus de retard, je pris la place du mort, et je devins le fils des deux époux.

Le ménage Lugox était loin d’être uni ; je ne tardai pas à m’en apercevoir.

Tous les soirs, après son dîner, monsieur sortait, pour ne plus rentrer qu’à une heure du matin ; une heure après son départ, M. Hébrard arrivait,