Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/281

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ayant perdu jusqu’au sens moral, et jusqu’à l’instinct de sa propre conservation, devenait la proie de soldats ambitieux et sans pudeur ; elle préludait ainsi à l’ère fatale des pronunciamentos qui, de chutes en chutes, devaient la conduire à l’état précaire et misérable où nous la voyons réduite aujourd’hui ; et en faire à la fois un sujet de pitié, de risée et d’épouvante pour l’Europe, qui depuis un siècle assiste, effarée, à cette effroyable catastrophe, sans en comprendre encore bien les causes multiples.

La révolte des colonies anglaises contre leur métropole, suivie de la reconnaissance de ces colonies révoltées en État indépendant, porta le premier coup à la puissance espagnole dans le Nouveau-Monde.

Les créoles hispano-américains, si longtemps courbés sous le joug de fer du gouvernement de Madrid, commencèrent à entr’ouvrir les yeux et à se demander, en regardant craintivement encore autour d’eux, s’ils n’étaient pas des hommes comme les autres, et si, eux aussi, n’avaient pas le droit, si hautement proclamé par le Christ, de rompre leurs chaines et d’être libres ?

La réponse ne devait pas se faire attendre.

Le coup de foudre de 1789, cette date fatidique de la régénération sociale, trancha pour toujours la question en faveur de la liberté !

La révolution française, enfantement sublime d’un monde nouveau, création du droit et de la solidarité humaine contre l’absolutisme, non-seulement ébranla tous les trônes de l’Europe, mais encore eut un si immense retentissement en Amérique, que toutes les colonies en sentirent le