Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/47

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— Nous nous connaissons depuis dix ans, Ivon ; tu es mon unique ami ; je ne veux plus avoir de secrets pour toi. Tu te souviens comment, contre toute justice, nous avons été arrêtés à Marseille, à bord du brick colombien le Bolivar, dont tu étais lieutenant, et moi second capitaine, sous prétexte que nous sommes Français ; enrôlés de force et dirigés sur Toulon, les menottes aux mains, entre quatre gendarmes, comme des malfaiteurs, et embarqués sur le Formidable, où nous sommes encore ?

— Oui, je me rappelle tout cela, Olivier, répondit Ivon ; il y a déjà huit mois que nous sommes à bord.

— Huit mois, oui, Ivon, reprit le matelot avec amertume ; toi, tu es Breton, né à Roscoff, où habite encore ta famille ; tu es inscrit au bureau des classes ; peut-être avait-on le droit de te prendre pour le service ?

— Oui, on en avait le droit ; je suis forcé d’en convenir, malheureusement pour moi ; la loi est la loi ; mais dans deux ans et quatre mois je serai libre de nouveau, et toi de même ; il n’y a que patience à prendre.

— Je t’arrête là, matelot, dit-il vivement ; notre situation n’est pas la même.

— Bon ! Comment cela ?

— Écoute-moi et tu le sauras ; tu te nommes Ivon Lebris, n’est-ce pas ?

— Certes c’est un nom bien connu chez nous, à Roscoff. Les Lebris sont pêcheurs de père en fils depuis des siècles, et bons marins, je m’en flatte.

— Très-bien, j’admets tout cela ; mais moi, matelot, je n’ai pas de nom, pas de famille, pas de