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À
CHARLES VINCENT
Président du Caveau.

Tu te souviens, n’est-ce pas, comment le hasard, en nous mettant à l’improviste en face l’un de l’autre, nous fit amis du premier coup ? Il y a de cela plus de vingt ans ; nous étions jeunes alors, pleins d’illusions et d’espérances radieuses ; déjà tu fredonnais gaiement ces charmants refrains qui devaient te rendre si populaire, et faire de toi un des maîtres les plus admirés de la véritable chanson française.

Tout nous souriait ; nous avions de nombreux amis, parmi lesquels Olivier Madray, le plus aimé, car c’était lui qui nous avait présentés l’un à l’autre ; son départ fut pour nous une grande douleur.

Avant de se séparer de nous peut-être pour toujours, il avait enfin consenti à nous révéler les péripéties émouvantes de son existence étrange, en m’autorisant, sous certaines conditions de noms, de dates et de lieux, à écrire pour mes lecteurs habituels cette vie si accidentée, et par conséquent si différente de la nôtre.

Aujourd’hui le livre est prêt à paraître, la dédicace t’appartient de droit. Olivier n’avait que deux amis dévoués : toi et moi ; donc à chacun de nous sa part.

J’ai rempli scrupuleusement les instructions de notre ami.

Mais tu liras Par mer et par terre entre les lignes, et tu dégageras facilement du roman derrière lequel elle s’abrite l’histoire, hélas ! trop vraie, de ce découragé de notre civilisation étriquée et égoïste, auquel il fallait la liberté sans limites du désert et les larges horizons tout ensoleillés des grandes savanes.

Pour certaines raisons de convenance, je n’ai pas voulu tout dire ; cependant tu reconnaîtras que du moins ce que je raconte est d’une exactitude rigoureuse.

Si ces lignes ailées s’envolent par delà l’Océan, peut-être tomberont-elles sous les yeux de notre cher absent, et nous aurons ainsi établi avec lui un trait d’union à travers l’espace.

À toi de cœur.
Gustave AIMARD.
Paris, 18 novembre 1878.