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que le chant de la vertu. Car, parce que tout se tient dans cette existence si bien ajustée, et puisque la durée n’est jamais pensée qu’éternelle, il se peut bien que l’existence suffise à tout, et que l’homme n’ait pas tant besoin de Dieu. C’est pourquoi le Démiurge du Timée, après qu’il a arrondi les cercles incorruptibles selon le même et selon l’autre, et après qu’il a poli le tout par le dehors, afin d’achever une bonne fois toute l’existence, se retire alors en lui-même, laissant aux dieux inférieurs, aux génies, aux hommes, aux bêtes, à courir chacun leur chance sous l’invariable loi. Ce que signifie cette prompte mort des cités florissantes, soit par le feu, soit par l’eau, étrange prologue de cette création, et l’Atlandide au fond de la mer, récif ou banc de vase qui détourne à peine nos barques. Cette parole a retenti plus d’une fois comme un chant d’allégresse à l’homme qui surmonte : « Cela fut déjà, et cela sera toujours ».

Ici titubera, sur la barque sensible,
À chaque épaule d’onde un pêcheur éternel.


Et si tu demandes pourquoi, c’est que tu