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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

degré propre. Ce serait une dialectique des tons et comme une philosophie du clavier. On trouve ainsi dans la musique une sorte de matière seconde, fille d’esprit toute, et plus redoutable par cela ; mais cette victoire aussi a sa beauté propre, et que l’on peut juger incomparable ; c’est l’esprit contre lui-même, au lieu que le chant naturel discipline le corps. C’est pourquoi la musique de piano, si elle est belle, est alors royale. Son caractère propre est sans doute l’opposition entre les modulations hardies et la sécurité ou sérénité du chant directeur qui explique ou impose, comme on voudra, les passages que l’oreille seule refuserait. Les célèbres compositions de Schumann peuvent servir ici d’exemple.

Il me semble d’après cela que l’apprentissage de l’harmonie suppose d’abord la connaissance parfaite des tons et des passages de l’un à l’autre ; et c’est là que trouverait sa place l’étude des dissonances, des retards, et des basses qui portent tout. L’étude des deux modes les plus connus, le majeur et le mineur, et ensuite des modes qui sont comme la formule moderne des musiques anciennes, suivra naturellement. L’étude physique de ces édifices sonores peut être aussi fort utile, et Helmholtz en a dit tout ce qu’il faut, qui n’est pas peu ; on retrouvera par ce chemin une loi naturelle du chant déjà rencontrée plus haut, c’est à savoir qu’un édifice sonore bien équilibré se compose de basses largement espacées, les jeux plus serrés à hauteur moyenne, et les petits intervalles couronnant le tout. Naturellement cette règle est destinée à être vaincue et dominée aussitôt ; mais les audaces en ce genre exigent aussi une solution, qui est retour à l’ordre naturel. Quand ce calme des basses et leur pas élargi s’accordent avec la terminaison voulue par le rythme et aussi avec les résolutions harmoniques, la conclusion s’annonce clairement ; mais il arrive que toute la richesse s’y retrouve par des imitations rappelées, par des modulations encore essayées ou par des ornements, toutes choses que l’affirmation soutenue permet ici, comme un