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LA MISSION DE JANE.

tout cas, je ne voulais pas faire de mal à Frank, mais aussi il m’agace trop ! »

Mme Minot ramassa l’album et le posa devant lui sans rien dire. Il ne savait que faire de sa personne et il fut très heureux d’avoir la ressource d’arracher de sa figure les timbres qui y étaient encore. Jane le regarda faire, à la fois contente et fâchée de découvrir tant de férocité dans le sauvage qu’elle avait entrepris de civiliser ; Mme Minot se remit à écrire, mais elle prit cet air sérieux qui faisait plus d’effet sur son fils que toutes les remontrances et toutes les punitions des autres personnes.

Le silence commençait à devenir pénible, lorsque Gustave apparut avec un livre pour Jack de la part de Laura, et un billet pour Jane de la part de Lotty.

« Gustave, lui demanda Jack quand il eut exécuté ses commissions, voudriez-vous avoir la bonté de me ramener dans ma chambre ? Je suis fatigué et je désirerais me reposer. »

Jane s’écria après son départ :

« Je me rappelle qu’on m’a raconté un jour l’histoire d’un petit garçon qui avait jeté une fourchette à la tête de son frère et qui lui avait crevé un œil ; il en a été bien fâché, et son frère, trop bon peut-être, lui a pardonné. La faute avait été d’un instant, mais le mal resta irréparable. »

Ces dernières paroles furent prononcées d’un ton convaincu pour bien montrer que, bien que Jane fût pleine de compassion pour son coupable ami, elle n’ignorait pas quelles suites funestes peut avoir la colère.

« Et croyez-vous que ce petit garçon ait jamais pu se pardonner à lui-même ? lui demanda Mme Minot.

— Non, madame, je ne le crois pas ; mais, grâce à