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JACK ET JANE.

Le samedi était toujours un jour pénible pour la petite fille. Elle aimait à voir la maison bien tenue, mais elle détestait d’autant plus balayer les chambres et essuyer les meubles, que pas un grain de poussière n’échappait à l’œil perçant de Mme Grant. Elle aimait le pain frais et les pâtisseries ; mais elle goûtait peu le plaisir de se rôtir la figure devant le four chaud, de s’engluer les mains de pâte, et de passer la moitié de sa matinée à préparer des friandises pour ses frères. Quant à éplucher des légumes, c’était une besogne qui lui déplaisait peut-être davantage, car elle ne pouvait souffrir salir de terre ses petits doigts blancs. Ah ! si elle eût été libre de faire ce qu’elle désirait, ce n’est pas ainsi qu’elle eût employé son temps !

Mais elle voulait être obéissante, et, sans dire un mot, elle courut chercher un petit bonnet pour préserver ses cheveux de la poussière, et un grand tablier blanc pour garantir sa robe ; cependant elle poussa un gros soupir en se disant :

« Il fait si beau temps ! Quel dommage que j’aie tant à faire. J’espérais si bien travailler à mon jardin, aller me promener avec Molly et finir de lire Ivanhoë ! »

Elle ouvrit la fenêtre pour admirer le paysage. Le soleil illuminait la nature ; l’air était doux et pur. C’était une vraie journée de printemps. On apercevait dans le lointain la fumée de la manufacture, et, dans la vallée, les moulins de M. Bémis, et la rivière qui serpentait dans la prairie comme un ruban d’argent. Bientôt on entendrait chanter les merles là-bas sous les saules, M. Grant et ses fils labouraient leurs champs ; le vieux cheval piaffait dans la cour, impatient de partir, et il