Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/152

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demi ruinée et d’un reste de fort dans le même état, que dix de mes lecteurs peut-être peuvent se souvenir d’avoir vu subsistant encore, le père gardien s’arrêta et se retourna pour voir si les autres venaient. Ensuite il entra et marcha vers le couvent, sur la porte duquel il s’arrêta de nouveau pour attendre sa petite troupe. Il pria le voiturier de venir, dans une couple d’heures, prendre chez lui la réponse. Celui-ci le promit et fit ses adieux aux femmes qui répondirent par des remercîments sans nombre, et le chargèrent de bien des commissions pour le père Cristoforo. Le père gardien fit entrer la mère et la fille dans la première cour du monastère, les introduisit dans le logement de la tourière, et alla seul faire sa demande. Quelque temps après il reparut tout satisfait pour leur dire d’avancer avec lui ; et il était temps, car la fille et la mère ne savaient déjà plus comment se débarrasser des questions pressantes de la tourière. En traversant une seconde cour, il donna quelques avertissements aux femmes sur la manière dont elles devaient se conduire envers la signora. « Elle est bien disposée pour vous, dit-il, et peut vous faire du bien autant qu’elle voudra. Soyez humbles et respectueuses, répondez avec sincérité aux demandes qu’il lui plaira de vous adresser, et, lorsque vous ne serez pas interrogées, laissez-moi faire. » Ils entrèrent dans une pièce au rez-de-chaussée, d’où l’on passait au parloir. Avant d’y mettre le pied, le père gardien, montrant la porte, dit tout bas aux femmes : « Elle est là, » comme pour leur rappeler tous ses avis. Lucia, qui n’avait jamais vu un monastère, lorsqu’elle fut dans le parloir, regarda autour d’elle, cherchant où était la signora, à qui elle avait à faire sa révérence ; et, n’apercevant personne, elle restait comme interdite, lorsqu’ayant