Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/186

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CHAPITRE XI.


Comme des limiers en meute, après avoir en vain couru sur la piste d’un lièvre, reviennent piteusement vers leur maître, l’oreille basse et la queue entre les jambes, tels les bravi, dans cette nuit si pleine de désordres, retournaient désappointés et confus au château de don Rodrigo. Celui-ci, dans l’agitation de l’attente, arpentait, d’un bout à l’autre, sans lumière, une grande chambre inhabitée du haut de la maison, et qui donnait sur l’esplanade. De temps en temps il s’arrêtait, prêtait l’oreille, regardait par les fentes de vieux contrevents vermoulus. Plein d’impatience, en effet, il n’était pas non plus sans inquiétude, non-seulement par l’incertitude du succès, mais aussi pour les conséquences qu’un pareil coup pouvait avoir ; car c’était l’exploit le plus notable et le plus hasardeux que notre vaillant homme eût tenté jusqu’à ce jour. Il se rassurait cependant par la pensée des précautions qu’il avait prises, si ce n’est pour prévenir les soupçons, du moins pour détruire les indices. « Et quant aux soupçons, se disait-il, je m’en moque ; je voudrais savoir quel sera le drôle assez curieux pour venir ici vérifier si une fille y est ou n’y est pas. Qu’il vienne, qu’il vienne, ce maraud, il sera bien reçu. Que le moine vienne, qu’il vienne. La vieille ? Qu’elle aille à Bergame, la vieille. La justice ? Bah ! la justice. Le podestat n’est pas un enfant, ni un fou non plus. Et à Milan ? Qui est-ce qui s’occupe de ces gens-là à Milan ? Qui les écouterait ? Qui sait seulement là-bas s’ils existent ? Ce sont gens comme perdus sur la terre ; ils n’ont