Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/381

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trouvaient sur la porte de se mettre, comme les autres, après lui. Il entra dans la première cour, alla se placer vers le milieu ; et là, toujours à cheval, il fit tonner l’un de ses cris ; c’était le signal d’usage, auquel accouraient tous ceux de ses gens à portée de l’entendre. Dans un instant, ceux qui étaient épars dans le château vinrent à cette voix, et se joignirent aux premiers, tous ayant les yeux fixés sur leur maître.

« Allez m’attendre dans la grande salle, » leur dit-il ; et, du haut de sa monture, il les regarda s’y rendre. Puis il mit pied à terre, mena lui-même la mule aux écuries, après quoi il marcha vers le lieu où il était attendu. À son aspect, cessa subitement le bourdonnement de tous les colloques. Tous ces hommes se rangèrent d’un côté, laissant vide pour lui un large espace dans la salle ; ils pouvaient être une trentaine.

L’Innomé leva les mains, comme pour maintenir le silence ; il leva la tête, cette tête qui dépassait toutes les autres, et dit : « Écoutez tous, et que personne ne parle, s’il n’est interrogé. Mes enfants ! la route que nous avons suivie jusqu’à ce jour conduit au fond de l’enfer. Ce n’est pas un reproche que je veux vous faire, moi qui, dans cette route, vous devance tous, moi qui, de tous, suis le plus coupable ; mais écoutez ce que j’ai à vous dire. Dieu, dans sa misé-