Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/52

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— Ah ça !

— Allons, mon cher Renzo, ne vous fâchez pas ; je suis prêt à faire tout ce qui dépendra de moi. Tout mon désir serait de vous voir content ; je vous suis attaché d’affection, moi. Eh !… quand je pense que vous étiez si bien ; qu’est-ce qui vous manquait ? La fantaisie vous a pris de vous marier…

— Quels discours sont ceux-ci, mon cher monsieur ? » dit Renzo vivement et d’un air moitié surpris, moitié colère.

— Je dis cela comme autre chose ; ne vous troublez pas ; je ne désire que de vous voir content.

— Mais au bout du compte…

— Au bout du compte, mon cher enfant, il n’y a pas de ma faute ; ce n’est pas moi qui ai fait la loi ; et, avant de conclure un mariage, nous sommes réellement obligés de faire maintes et maintes recherches, pour nous assurer qu’il n’existe pas d’empêchements.

— Mais, allons, dites-moi donc enfin quel empêchement est survenu.

— Ayez patience ; ce ne sont pas choses que l’on puisse expliquer ainsi en courant. Il n’y aura rien, j’espère ; mais ces recherches n’en doivent pas moins être faites. Le texte est clair et précis : Antequam matrimonium denuntiet

— Je vous ai dit que je ne veux pas de latin.

— Il faut pourtant bien que je vous explique…

— Mais ces recherches, ne les avez-vous pas déjà faites ?

— Pas toutes comme je l’aurais dû, vous dis-je.

— Pourquoi ne les avez-vous pas faites dans leur temps ? Pourquoi me dire que tout était fini ? Pourquoi attendre ?…

— Là ! Voilà que vous me reprochez ma trop grande bonté. J’ai facilité toutes choses pour que vous fussiez plus tôt prêts ; mais… mais à présent me sont venues… enfin je sais bien, moi.

— Et que voudriez-vous que je fisse ?

— Que vous prissiez patience pour quelques jours. Mon cher enfant, quelques jours, ce n’est pas l’éternité. Un peu de patience.

— Pour combien de temps ?

— Nous voilà au port, » pensa don Abbondio ; et, d’un air plus engageant que jamais : « Allons, » dit-il, « dans quinze jours je tâcherai… je ferai en sorte…

— Quinze jours ! Oh ! en voici bien d’une autre ! On a fait tout ce que vous avez voulu ; le jour a été fixé ; ce jour arrive ; et maintenant vous venez me dire d’attendre quinze jours ! Quinze » reprit-il d’une voix plus haute et plus irritée, tendant le bras et frappant de son poing dans l’air ; et qui sait quelle diablerie il aurait accolée à ce nombre, si don Abbondio ne l’eût interrompu en lui prenant l’autre main avec une tendresse timide et empressée.

« Allons, allons, ne vous fâchez pas, pour l’amour de Dieu. Je ferai mon possible ; je tâcherai de voir si, dans une semaine…

— Et Lucia, que dois-je lui dire ?

— Que ç’a été une erreur de ma part.