Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
MOZART ET SALIERI.

légère fumée. Que dis-je ? lorsque le grand Gluck apparut et nous dévoila de nouveaux mystères (mystères profonds, séduisants, enchanteurs), n’ai-je pas jeté tout ce que j’avais su auparavant, tout ce que j’avais aimé, tout ce que j’avais cru avec tant d’ardeur ? Et ne me suis-je pas mis à le suivre sans murmure, avec un nouveau courage, comme quelqu’un qui aurait perdu sa route, et qu’un autre voyageur remettrait dans le droit chemin ? Par une persévérance obstinée, pleine d’efforts, j’atteignis enfin un haut degré dans l’art infini. La gloire vint me sourire. Je trouvai dans le cœur des hommes un écho à mes créations. J’étais heureux ; je jouissais paisiblement de mes travaux, de mes succès, de ma gloire, ainsi que des travaux et des succès de mes amis, de mes compagnons dans l’art éternel. Non, jamais je n’avais connu l’envie, jamais ; ni lorsque Piccini sut enchanter l’oreille des sauvages Parisiens, ni même quand j’entendis les premiers accents de l’Iphigénie. Qui aurait pu dire que le fier Salieri deviendrait un misérable envieux, un serpent foulé aux pieds,