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POÈMES DRAMATIQUES.

nouvelles ? Élèvera-t-il par là notre art ? Non, l’art tombera dès que Mozart aura disparu sans laisser d’héritier. Comme un chérubin, il nous aura apporté quelques chants du paradis, pour, après avoir ému en nous, fils de la poussière, le désir sans ailes, s’envoler de nouveau. Envole-toi donc… plus tôt ce sera, et mieux ce sera…

Voici ce poison, dernier présent de mon Isaure. Il y a dix-huit ans que je le porte constamment sur moi. Et bien souvent, depuis cette époque, la vie m’a paru comme une plaie insupportable ; et bien souvent je me suis assis à la même table avec un ennemi sans défiance. Mais jamais je ne me suis laissé aller aux murmures de la tentation, quoique je ne sois pas un lâche, quoique je ressente profondément toute offense, quoique j’estime peu la vie. J’hésitais toujours. Quand la soif de la mort venait me prendre : mourir, me disais-je ! mais peut-être la vie m’apportera des dons inattendus ; peut-être l’enthousiasme viendra me visiter ; une nuit créatrice et l’inspiration… peut-être un nouveau Haydn