Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/33

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l’s principalement qu’il prononçait t : tautitton pour saucisson. Un jour pourtant, vers quatre ans et demi, dans un moment d’indignation enfantine, il proféra un superbe : cochon ! Son père, ravi, lui donna cent sous. Certes, sa langue s’était déliée depuis ; mais il lui restait encore une circonspection devant certains mots, des lenteurs de parole. Ce rien suffisait : il eût pu être très malheureux sur les bancs. Heureusement, il fit la connaissance de deux garçons sympathiques, du même âge, mais plus avancés d’une classe. Cézanne, Baille et lui, furent tout de suite « les trois inséparables, » comme on les appela bientôt. D’année en année, leur liaison devint, plus étroite, à un tel point, qu’il me serait impossible d’aller plus avant dans mon récit, sans raconter cette grande amitié.

D’abord, ce ne fut qu’une camaraderie de galopins, entrecoupée probablement de brouilles passagères, et, qui sait ? peut-être de calottes. Mais ces calottes-là ne font jamais de mal, et plus tard, on se les rappelle avec attendrissement. Les jours de sortie, tous trois s’attendaient à la porte, et s’en allaient bras dessus bras dessous. Quelquefois, c’était Baille, demeurant aux bains Sextius, que l’on accompagnait. Pendant qu’on remontait le faubourg, une pierre, puis deux, puis quatre, fendaient l’air au-dessus de leur tête, ricochaient contre les maisons d’en face. Les trois amis devaient se garer, gagnaient l’abri de quelque porte cochère, et assis-