Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Celui-ci, qui n’était pas expansif, ne disait guère son vrai sentiment ; d’ailleurs, l’auteur des Rougon-Macquart ajoutait en riant qu’il ne devait pas aimer du tout sa littérature. Pourtant, presque à chaque œuvre de son ami, j’ai vu Duranty stupéfait du pas fait dans cette œuvre, comparée à la précédente. II n’aimait pas cela davantage, certes, mais il était prodigieusement étonné et reconnaissait à son confrère un « don surprenant d’assimilation et de perfectibilité. » J’en induis que tous deux peu à peu se rapprochaient : l’un allant de la couleur à l’analyse et l’autre venant de ses premières sécheresses à plus de souplesse et plus d’art dans la phrase, ce qui du reste, à mon sens, le diminuait en lui enlevant de son entêtement. Je me permettrai ici un souvenir personnel. Un jeudi soir de février l880, la dernière fois qu’en sortant de chez Zola, je l’ai accompagné jusqu’à sa porte, par une nuit de mars sans lune, Duranty me disait, dans le noir de la rue Véron mal éclairée : « Je vais, avant un an, me mettre à un roman… Je n’attends que de m’être fait des certitudes qui me manquent ; sur certains rapports entre le physique des individus et leur moral… On verra que je n’ai pas encore tout donné… » Puis, m’ayant serré la main, il rentra. En m’éloignant, je cherchais à deviner ce que serait ce roman ; et, la curiosité piquée par ces « certitudes » auxquelles il espérait arriver sur les rapports du physique et du moral, je me promis de faire causer Duranty davantage,