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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

caractère, demandait en vain, partout, l’adresse des trésoriers-organisateurs. Douée d’une vue perçante, la troisième, d’un bout du Mail à l’autre, crut apercevoir Monsieur Lefèvre sortant de la ville, et se mit à courir. Elle s’élança à l’aventure dans la campagne, eut peur d’un chien de ferme, resta quelque temps perdue au fond d’immenses prairies, but de l’eau claire à une petite rivière, déjeuna avec du cresson, revint au moins avec un frais bouquet de violettes. Puis, réunies de nouveau sur le Mail, à l’heure de la musique militaire, que le mauvais temps de la veille avait fait remettre à ce jour-là, elles faisaient sensation toutes les trois. Les belles dames assises sur les chaises, se retournaient pour les voir, stupéfaites : « — D’où sortent-elles, ces horreurs-là ! » Artisanes et grisettes leur riaient au nez. De jeunes ouvriers, sachant qu’elles avaient dansé toute la nuit avec les étudiants, leur fumaient dans le visage. Puis, elles vaguèrent encore, ici, là, se quittant et se retrouvant, toujours sans résultat. Enfin, à la nuit seulement, Camélia et la bossue, au retour d’une promenade écartée avec le grand Juif crasseux à tête d’oiseau, purent reprendre le chemin de fer. Et celle qui cherchait Monsieur Lefèvre, finit par le relancer « au manège, » où elle dormit quarante-huit heures avec Sélika, Soliman et Roxelane.

Les autres, mieux partagées, passèrent la journée au lit, ne se levèrent qu’à la nuit pour manger, et se recouchèrent, la plupart dans quelque chambre nouvelle. Le lendemain et le surlendemain, par des trains