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LE COLLAGE

restaurant du lac Saint-Fargeau… Je te cherchais pour t’avertir.

Le dimanche, dès trois heures de l’après-midi, Jacques était prêt. Son pantalon gris et sa longue redingote noire bien brossés, une chemise propre. Il se mit en route, à pied. Son visage rayonnait.

Enfin, il allait revivre. On passerait au moins quelques bonnes heures ensemble, ceux qui avaient souffert pour la cause. On serait entre soi, tous camarades. Il arriva bien avant l’heure, à peu près le premier. Puis, hélas ! le banquet ne fut qu’une déception.

On se trouvait envahi. Un tas d’intrus, qui n’avaient jamais été déportés ! De simples farceurs, attirés par la curiosité, par le bon marché du repas ! On fut bientôt entassé comme des sardines dans un bocal ; impossible de rien attraper des garçons, insuffisants pour le service, affolés. Avec ça, pas moyen de causer tranquillement, de s’entendre autrement que par des gestes. Rien que des enflammés qui, avant d’avoir rien mis sous la dent, étaient pochards d’avance ! Des brutes qui brisaient les assiettes ! De forcenés braillards tenaient des discours sans queue ni tête ; c’étaient des agents provocateurs, sans doute, des mouchards ou de simples imbéciles, parlant de guillotiner tout le monde sans rime ni raison, et, d’un bout de la table, montrant le poing à Rochefort, à Vallès, à quelques autres, sous