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JOURNAL DE MONSIEUR MURE

çon m’autorise à m’asseoir fréquemment à leur table.


Même année.

Madame de Lancy, la dernière amie d’Hélène…

Je la rencontre à chaque instant dans les rues ou sur les promenades, au bras de son mari, marchant tous deux très vite, à grandes enjambées, comme de tout jeunes gens pressés : — lui, le nez au vent, manquant tout à fait de tenue, — elle, grande, élancée, extraordinairement maigre, pâle, les traits toujours tirés, la bouche imperceptiblement de travers en somme, une femme étrange, mais distinguée, dans ses toilettes de coupe gothique qui, exagérant sa maigreur, la font ressembler vaguement à quelque châtelaine moyen âge. On ne lui donnerait que vingt ans. Mais Henri, son grand écervelé de fils, a déjà été refusé cinq fois au baccalauréat.

Parisienne, — dernière descendante d’une vieille famille qui a brillé sous les Croisades, — élevée dans le faubourg Saint-Germain, chez une vieille parente éloignée, chanoinesse.

Épousée, sans dot, par M. de Lancy, alors sans fortune : mariage d’amour ! — Quelques années d’amour et d’eau fraîche, à Paris, passées à solliciter en vain un consulat. — Puis, un beau jour, mort d’un oncle richissime, à X… Trois millions ! — Alors, au diable le consulat ! — Et ils sont