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LE COLLAGE

minons froidement la question, comme s’il s’agissait d’autrui. D’abord, j’ai trente et quelques années. Plus la fleur, mais la force de l’âge encore ! Et le coffre est bon ! Mais j’ai souvent mené une vie de bâton de chaise. Enfin, tout bien pesé, il est tard, mais il serait peut-être encore temps. Donc, il faudrait se hâter. Or, en pareille matière, « se hâter », c’est s’exposer à faire une boulette, malgré le rétablissement du divorce.

Maintenant, je n’ai pas de fortune. Je gagne ma vie dans mon métier, mais tout juste. Avec femme et enfants, même rien qu’avec le surcroît de dépenses amené par la femme, je ne joindrais certainement pas les deux bouts. Donc, il me faudrait épouser une dot. Eh bien, je ne sais comment les autres sont bâtis, mais cette nécessité de soupeser d’avance les écus d’une jeune fille à introduire dans son lit me répugne, à moi. Si l’argent que peut apporter la demoiselle entre d’abord en considération, soyez logiques : ni sa beauté, ni son intelligence, ni son cœur, ni sa raison, ni sa santé, ne comptent plus. Alors, logiques jusqu’au bout, si vous aimez l’argent, épousez tout de suite quelque vieux laideron plusieurs fois millionnaire. Pour moi, homme sans fortune et très ordinaire, n’étant ni un héros pour m’empêtrer d’une femme sans le sou, ni un Alphonse pour épouser une dot, mon affaire est nette : je mourrai garçon. C’est-à-dire : seul.