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JOURNAL DE MONSIEUR MURE

Et, écartant davantage la portière, elle se montra à moi comme elle était : en jupons blancs, en corset bleu de ciel, les bras et les seins nus, toute fraîche, toute parfumée, et chaste. La fièvre contenue qui donnait un petit frisson à sa voix, l’éclat extraordinaire de ses yeux, la résolution animant son visage, la couvraient mieux qu’un corsage montant. Et, le front un peu baissé pour me montrer sa coiffure :

— Regardez… est-ce bien ?

Puis, quelqu’un marcha dans le salon voisin. Elle se souvint brusquement qu’elle avait la poitrine nue, laissa retomber la portière. Moi, alors, pas le temps de lui dire tout bas à travers la tapisserie que je la trouvais belle et touchante. On entrait. C’était le valet de chambre qui, de la part de Moreau, venait me dire :

— M. le président est chez lui et prie Monsieur de monter.

— Ah ! M. le président !… Très bien ! j’y vais !

Et, dans l’escalier, tout en montant à l’étage supérieur, ce « monsieur le président » m’offusquait encore, comme le souvenir d’une fausse note aigre vibrant soudain au milieu d’un morceau suave… Me gardant bien de sonner, je tourne le bouton de la première porte ; je traverse l’antichambre. Me voici dans le vaste et somptueux cabinet, aux quatre murs recouverts par la bibliothèque. Les dix mille volumes de droit, superbement reliés, qui ont fait le voyage d’Afrique, la mer traver-