Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/317

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et souvent ennemis les uns des autres. Pour arriver à donner aux villages une administration collective et un petit gouvernement libre, il eût fallu d’abord y assujettir tout le monde aux mêmes impôts, et y diminuer la distance qui séparait les classes.

Ce n’est point ainsi qu’on s’y prit lorsqu’on entreprit enfin cette réforme en 1787. Dans l’intérieur de la paroisse, on maintint l’ancienne séparation des ordres et l’inégalité en fait d’impôts qui en était le principal signe, et néanmoins on y livra toute l’administration à des corps électifs. Cela conduisit sur-le-champ aux conséquences les plus singulières.

S’agit-il de l’assemblée électorale qui devait choisir les officiers municipaux : le curé et le seigneur ne purent y paraître ; ils appartenaient, disait-on, à l’ordre de la noblesse et à celui du clergé ; or, c’était ici principalement le tiers-état qui avait à élire ses représentants.

Le conseil municipal une fois élu, le curé et le seigneur en étaient, au contraire, membres de droit, car il n’eût pas semblé séant de rendre entièrement étrangers au gouvernement de la paroisse deux habitants si notables. Le seigneur présidait même ses conseillers municipaux qu’il n’avait pas contribué à élire, mais il ne fallait pas qu’il s’ingérât dans la plupart de leurs actes. Quand on procédait à l’assiette et à la répartition de la taille, par exemple, le curé et le seigneur ne pouvaient pas voter. N’étaient-ils pas tous deux exempts de cet impôt ? De son côté, le conseil municipal n’avait rien