Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/347

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la levée des taxes. C’est là surtout qu’après avoir passé du royaume à la province, on a peine à croire qu’on soit encore dans le même empire.

J’ai eu occasion de dire ailleurs comment les procédés qu’on suivait en Languedoc, pour asseoir et percevoir les tailles, étaient en partie ceux que nous suivons nous-mêmes aujourd’hui pour la levée des impôts. Je n’y reviendrai pas ici  ; j’ajouterai seulement que la province goûtait si bien en cette matière la supériorité de ses méthodes, que, toutes les fois que le roi créa de nouvelles taxes, les États n’hésitèrent jamais à acheter très-cher le droit de les lever à leur manière et par leurs seuls agents.

Malgré toutes les dépenses que j’ai successivement énumérées, les affaires du Languedoc étaient néanmoins en si bon ordre, et son crédit si bien établi, que le gouvernement central y avait souvent recours et empruntait, au nom de la province, un argent qu’on ne lui aurait pas prêté à de si bonnes conditions à lui-même. Je trouve que le Languedoc a emprunté, sous sa propre garantie, mais pour le compte du roi, dans les derniers temps, 73 millions 200,000 livres.

Le gouvernement et ses ministres voyaient cependant d’un fort mauvais œil ces libertés particulières. Richelieu les mutila d’abord, puis les abolit. Le mou et fainéant Louis XIII, qui n’aimait rien, les détestait ; il avait dans une telle horreur tous les privilèges de provinces, dit Boulainvilliers, que sa colère s’allumait rien que d’en entendre prononcer le nom. On ne sait jamais toute l’énergie qu’ont les âmes faibles pour haïr ce qui les