Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/356

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qu’il a été principalement l’œuvre d’un peuple très-civilisé et très-asservi. Les rois l’adoptèrent donc avec ardeur, et l’établirent partout où ils furent les maîtres. Les interprètes de ce droit devinrent dans toute l’Europe leurs ministres ou leurs principaux agents. Les légistes leur fournirent au besoin l’appui du droit contre le droit même. Ainsi ont-ils souvent fait depuis. À côté d’un prince qui violait les lois, il est très-rare qu’il n’ait pas paru un légiste qui venait assurer que rien n’était plus légitime, et qui prouvait savamment que la violence était juste et que l’opprimé avait tort. —@—




Passage de la monarchie féodale à la monarchie démocratique


Toutes les monarchies étant devenues absolues vers la même époque, il n’y a guère d’apparence que ce changement de constitution tint à quelque circonstance particulière qui se rencontra par hasard au même moment dans chaque État, et l’on croit que tous ces événements semblables et contemporains ont dû être produits par une cause générale qui s’est trouvée agir également partout à la fois.

Cette cause générale était le passage d’un état social à un autre, de l’inégalité féodale à l’égalité démocratique. Les nobles étaient déjà abattus et le peuple ne s’était pas encore élevé, les uns trop bas et l’autre pas assez haut pour gêner les mouvements du pouvoir. Il y a eu là cent cinquante ans, qui ont été comme l’âge d’or des princes, pendant lesquels ils eurent en même temps la stabilité et la toute-puissance, choses qui d’ordinaire s’ex-