Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/408

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des octrois ou droits par nous concédés, est-il dit dans la déclaration, à l’effet desdits emprunts, les intérêts continuant à courir. »

C’est non-seulement la suspension du remboursement à l’époque indiquée dans le contrat fait avec les créanciers, mais encore une atteinte portée au gage donné pour répondre de la créance. Jamais de pareilles mesures, qui fourmillent dans l’ancien régime, n’auraient été praticables sous un gouvernement surveillé par la publicité ou par des assemblées. Qu’on compare cela avec ce qui s’est toujours passé pour ces sortes de choses en Angleterre et même en Amérique. Le mépris du droit est aussi flagrant ici que le mépris pour les libertés locales.



Le cas cité ici dans le texte est loin d’être le seul où les privilégiés aperçussent que le droit féodal qui pesait sur le paysan les atteignait eux-mêmes. Voici ce que disait, trente ans avant la Révolution, une société d’agriculture composée tout entière de privilégiés :

« Les rentes inamortissables, soit foncières, soit féodales, affectées sur les fonds de terre, quand elles sont un peu considérables, deviennent si onéreuses au débiteur, qu’elles causent sa ruine et successivement celle du fonds même. Il est forcé de le négliger, ne pouvant trouver la ressource de faire des emprunts sur un fonds trop chargé, ni d’acquéreurs, s’il veut vendre. Si ces rentes étaient amortissables, ce rentier ruiné ne manquerait pas d’occasions d’emprunter pour amortir, ni d’acquéreurs en état de rembourser le fonds et la rente. On est toujours aise d’entretenir et d’améliorer un bien libre dont on se croit paisible possesseur. Ce serait procurer un grand encouragement à l’agriculture que