Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/44

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le même brandon qui a enflammé l’Europe au dix-huitième siècle a été facilement éteint au quinzième. Pour que des arguments de cette espèce produisent des révolutions, il faut, en effet, que certains changements déjà survenus dans les conditions, les coutumes et les mœurs, aient préparé l’esprit humain à s’en laisser pénétrer.

Il y a des temps où les hommes sont si différents les uns des autres, que l’idée d’une même loi applicable à tous est pour eux comme incompréhensible. Il y en a d’autres où il suffit de leur montrer de loin et confusément l’image d’une telle loi pour qu’ils la reconnaissent aussitôt et courent vers elle.

Le plus extraordinaire n’est pas que la Révolution française ait employé les procédés qu’on lui a vu mettre en œuvre et conçu les idées qu’elle a produites : la grande nouveauté est que tant de peuples fussent arrivés à ce point que de tels procédés pussent être efficacement employés et de telles maximes facilement admises.