Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/208

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bientôt, ils y disparurent et y demeurèrent comme noyés, mais, à peu de distance derrière eux, marchait une colonne épaisse de gardes nationaux ; ceux-ci se précipitèrent dans la salle aux cris significatifs de : « Vive l’Assemblée nationale ! » Je mis ma carte de représentant à mon chapeau et j’entrai avec eux. On vida d’abord les tribunes de cinq ou six orateurs qui y parlaient à la fois dans ce moment-là et qu’on lança sans beaucoup de cérémonie sur les degrés du petit escalier qui y conduit. À cette vue, les insurgés veulent d’abord résister, puis une terreur panique s’empare d’eux ; ils escaladent nos bancs vides en se culbutant dans les intervalles, gagnent les corridors extérieurs et, par toutes les fenêtres, sautent dans les cours. En quelques minutes, il ne restait plus que des gardes nationaux dans la salle et les cris de : « Vive l’Assemblée nationale ! » en ébranlaient les murs.

L’Assemblée elle-même était absente, mais, peu à peu, les membres dispersés aux environs accoururent ; on serrait la main aux gardes nationaux, on s’embrassait, et on regagnait son banc. Les gardes nationaux criaient : Vive l’Assemblée nationale ; les représentants : Vive la garde nationale et vive la république !

À peine la salle était-elle reprise que le général Courtais, premier auteur de nos périls, eut l’incomparable impudence de s’y présenter ; les gardes nationaux