Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/296

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ment. Il n’y avait de sûr que la guerre qu’ils se feraient et la ruine de la république.

De toutes les idées que je viens d’exposer, aucune ne fut approfondie dans le sein de la commission ; on peut même dire qu’aucune n’y fut discutée. Barrot, un jour, les rencontra en passant, mais sans s’y arrêter. Son esprit (qui était plutôt endormi que débile, et qui pouvait même apercevoir de très loin quand il s’appliquait à regarder) les entrevit un moment comme entre somme et veille et n’y pensa plus.

Je ne les indiquai moi-même qu’avec une sorte d’hésitation et de réserve. Mon échec à propos des deux Chambres me laissait peu de cœur à la lutte. J’étais d’ailleurs, je l’avoue, plus préoccupé du désir d’arriver rapidement à placer un chef puissant à la tête de la république qu’à organiser une constitution républicaine parfaite. Nous étions alors sous le gouvernement divisé et incertain de la commission exécutive, le socialisme était à nos portes et nous approchions des journées de Juin, il ne faut pas l’oublier. Plus tard et après ces journées, je soutins avec vivacité devant l’Assemblée le système de l’élection du président par le peuple et contribuai dans une certaine mesure à le faire prévaloir. La principale raison que je donnai fut, qu’après avoir annoncé à la nation qu’on lui accorderait ce droit qu’elle avait toujours souhaité avec ardeur, il n’était