Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/354

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aidé de M. de Falloux, qui était alors le seul homme du ministère dans lequel le président eût confiance. Falloux le décida par des raisons que j’ignore ; et Lamoricière partit. Je dirai plus loin ce qu’il fit.

Rassuré par son départ sur la conduite de nos amis, je songeai à gagner ou à retenir nos alliés nécessaires. Ici, la tâche était de tous points plus difficile, parce que, hors de mon département, je ne pouvais rien faire qu’avec l’assentiment du cabinet, dans lequel se trouvaient plusieurs des esprits les plus honnêtes qu’on pût rencontrer, mais si raides et si bornés en politique, qu’il m’est arrivé quelquefois de regretter de n’avoir pas plutôt affaire à des coquins intelligents.

Quant aux légitimistes, mon avis fut qu’il fallait leur laisser une grande influence dans la direction de l’instruction publique. Ce parti avait des inconvénients, mais c’était le seul qui pût les satisfaire et nous procurer, en retour, leur appui, lorsqu’il s’agirait de contenir le président et de l’empêcher de renverser la constitution. Ce plan fut suivi. On laissa Falloux libre de ses mouvements dans son département, et le conseil lui permit de présenter à l’Assemblée le projet sur l’instruction publique qui est devenu depuis la loi du 15 mars 1850. Je conseillai aussi de tout mon pouvoir, à mes collègues, de se ménager individuellement de bons rapports avec les principaux membres du parti