Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/384

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et ensuite à Vienne ; comme je m’y attendais, il fut bien reçu, fêté et éconduit.

Mais c’est assez m’occuper des personnes ; venons aux affaires.

Au moment où j’entrai au ministère, l’Europe était comme en feu, bien que l’incendie fût déjà éteint en certains pays.

La Sicile était vaincue et soumise ; les Napolitains étaient rentrés dans l’obéissance et même dans la servitude ; la bataille de Novare venait d’être livrée et perdue ; les Autrichiens vainqueurs négociaient avec le fils de Charles-Albert, devenu roi de Piémont par l’abdication de son père ; leurs armées, sortant des limites de la Lombardie, occupaient une partie des États de l’Église, Parme, Plaisance, la même Toscane où elles étaient entrées sans être appelées, et malgré que le grand-duc eût été restauré par ses sujets, bien mal payés, depuis, de leur fidélité et de leur zèle. Mais Venise tenait encore, et Rome, après avoir repoussé notre première attaque, appelait à son aide tous les démagogues de l’Italie et agitait l’Europe entière de ses clameurs. Jamais peut-être, depuis Février, l’Allemagne n’avait paru plus divisée ni plus troublée. Quoique la chimère de l’unité allemande se fût évanouie, la réalité de l’ancienne organisation germanique n’avait pas encore repris sa place. L’Assemblée nationale, qui avait essayé