Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/412

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Boislecomte, me répondit Drouyn de Lhuys[1] » il m’écoutait avec les signes les plus vifs d’assentiment, mais quand je lui dis : « Vous voyez, mylord, jusqu’où nous voulons aller ; pouvez-vous m’apprendre jusqu’où vous irez vous-même ? » lord Palmerston me répondit sur-le-champ : « Le gouvernement britannique, dont l’intérêt dans cette affaire n’est pas égal au vôtre, ne prêtera au gouvernement piémontais qu’une assistance diplomatique et un appui moral. » N’est-ce point caractéristique ?

L’Angleterre, à l’abri de la maladie révolutionnaire des peuples par la sagesse de ses lois et la force de ses anciennes mœurs, de la colère des princes par sa puissance et son isolement au milieu de nous, joue volontiers, dans les affaires intérieures du continent, le rôle d’avocat de la liberté et de la justice. Elle aime à censurer et même à insulter les forts, à justifier et à encourager les faibles, mais il semble qu’il ne s’agisse pour elle que de prendre un bon air et de discuter une théorie honnête. Ses protégés viennent-ils à avoir besoin d’elle, elle offre son appui moral.

J’ajoute, pour terminer sur ce chapitre, que cela lui réussit fort bien. Les Piémontais restèrent convaincus que l’Angleterre les avait seule défendus, et que nous

  1. Dépêches des 25 et 26 juillet 1849.