Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lons d’infanterie en occupaient et en fermaient les abords, tandis que des escadrons de cuirassiers étaient rangés le long des murs de son palais. Au dedans, les passions s’agitaient sans savoir encore précisément à quoi se prendre.

La séance avait été ouverte à l’heure ordinaire ; mais l’Assemblée ne s’étant pas trouvé le courage de jouer la même comédie parlementaire que la veille, avait suspendu ses travaux ; elle recueillait les bruits de la ville, attendait les événements et comptait les heures dans une oisiveté fébrile. À un certain moment, un grand bruit de clairons se fit entendre au dehors. On apprit bientôt que les cuirassiers, qui gardaient le palais, s’amusaient, pour passer le temps, à sonner des fanfares. Les sons triomphants et joyeux de cet instrument contrastaient d’une manière si douloureuse avec la pensée secrète qui agitait tous les esprits, qu’on se hâta de faire cesser cette musique incommode et indiscrète, qui mettait si péniblement chacun en face de lui-même.

On venait enfin de se décider à parler à haute voix de ce dont tout le monde s’entretenait à voix basse depuis plusieurs heures. Un député de Paris, M. Vavin, commençait à interpeller le cabinet sur l’état de la ville ; il était trois heures, lorsque M. Guizot parut à la porte de la salle. Il entre de son pas le plus ferme et