Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/34

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nombre de sa manière informe de gouverner, il en connaît les vices, les principes destructeurs, les injustices, les rapines, les oppressions, la somme immense enfin, des malheurs de la tyrannie, moins lui-même. Il voit que l’excès des impôts dépeuple chaque jour les provinces désolées ; et cependant il n’en diminue point le fardeau, parceque ses énormes exactions servent à nourrir l’essaim nombreux de ses soldats, la tourbe rampante de ses espions et de ses courtisans, tous remèdes dignes de lui et nécessaires à sa peur excessive, ïl voit très-bien aussi que la justice est trahie ou vendue, que les plus pervers sont toujours nommés aux places, et décorés des premiers honneurs ; et quoique le tyran sente bien, tous ces maux, il ne cherche point à les corriger, pourquoi ne le fait-il pas ? Parce que si les magistrats étaient justes, incorruptibles et probes, il perdrait lui-même, le premier, tout moyen inique de colorer ses vengeances privées, sous le nom sacré de la justice. Il arrive de là, que devant malgré lui, et presque sans s’en apercevoir se regarder comme le premier vice de l’État, un faible rayon de vérité pénètre jusqu’à son esprit, pour lui apprendre que si quelque