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APOLOGÉTIQUE (XVIIIe SIÈCLE)

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C’est ainsi que Voltaire, dans le Temple du goût, loue ce poème, remarquable certes, mais ne justifiant pas cependant ces hyperboles élogieuses. L’auteur y réfute le matérialisme du Dénatura reruni, et parfois ses vers ne sont pas indignes d’être comparés à ceux de son adversaire, mais il s’y montre entiché de cartésianisme. Après avoir montré dans l’orgueil et la volupté les sources de l’irréligion, l’auteur réfute successivement l’idolâtrie, l’athéisme, le matérialisme, le spinozisme, le déisme, le pyrrhonisme, hérésie, la corruption de l’esprit et des mœurs, et conclut par le triomphe de la foi. Ce poème ne fit pas oublier La religion, in-12, Paris, 1742, et La grâce, 1720. Si ce dernier ouvrage est imprégné de jansénisme, le premier est aussi remarquable par le talent que par les idées : Dieu, l’âme, la rédempt on, les mystères sont les sujets de vers un peu froids, mais harmonieux et d’assez précise doctrine. Leur auteur, Louis Racine (1692-1763), qui se nommait modestement « fils inconnu d’un glorieux père » , mérite une place parmi les apologistes et parmi les poètes. Migne, Démonst. évang., t. viii, col. 11-109, 110-150.

II. seconde moitié du xv il i’siècle. — Si le titre d’apologiste ne convient guère à ces poètes que par occasion, il faut le décerner sans réserve à Sylvestre Bergier (17181790), qui le mérita par le nombre, l’opportunité, la valeur de ses ouvrages. Il suivit attentivement le mouvement philosophique de son siècle et ne laissa passer, sans y répondre, aucune des attaques importantes subies par le christianisme. Contre Rousseau, il écrivit Le déisme réfuté par lui-même, 2 in-12, Paris, 1765 ; contre Voltaire, La certitude des preuves du christianisme, 2 in-12, Paris, 17C8, et dans Migne, Démonst. évang., t. xi, col. 11-198 ; contre Boulanger, Y Apologie de la religion chrétienne, 2 in-12, Paris, 1769 ; contre d’Holbach, L’examen du matérialisme, 2 in-12, Paris, 1771. Voltaire ayant répondu, avec sa légèreté et son esprit ordinaires, dans les Conseils raisonnables à un théologien, Bergier répliqua victorieusement (1772). Migne, Démonst. évang., t. xi, col. 99-234. D’allure moins polémique, le Traité historique et dogmatique de la vraie religion, il in-12, Paris, 1780, a largement été mis à contribution par les auteurs de théologie fondamentale. Raisonnement serré, preuves précises, variété des points de vue, cet ouvrage se recommande par divers mérites que l’on retrouve dans le Dictionnaire théologique, Paris, 1789, 3 in-4°. Il faut pourtant regretter dans ce dernier travail du savant théologien ses inexactitudes et certaines complaisances pour les théories des philosophes qu’il avait pourtant combattus. Le grand public préféra à ses lourdes machines de guerre les Lettres de quelques juifs portugais, allemands et polonais, à M. de Voltaire, in-8°, Paris, 1769, où le chanoine Guénée (1717-1803) eut l’habili té de mettre les rieurs de son côté en empruntant à son adversaire son esprit incisif, son stvle alerte, son ton dégagé. Ses réponses aux objections du philosophe de Ferney sont excellentes ; elles portèrent, et Voltaire, touché au vif, avouait : « Le secrétaire juif, nommé Guénée, n’est pas sans esprit et sans connaissances ; mais il

I malin co ie un singe ; il mord jusqu’au sang en

f.iis.int semblant de baiser la main. » Lettre clxxiii

à d’Alembert. 8 décembre 1776, Œuvres, Paris, 1781-,

t. i.xix, p. 289. Guénée avait compris qu’il fallait avant

tout se faire lire en piquant la curiosité d’un public fri 1 1 qu’il fallait délimiter son sujet pour éviter les

igations ennuyeuses trop fréquentes chez la plupart

ipologistes de ce temps.

La manière de Jean-Baptiste Bullet (1699-1770) est plus érudite ; le titre même de ses livres en indique l’objet et ta méthode : Histoire de l’établissement du christianisme tiré des si’iils auteurs juifs et païens, Lyon, 1769, Migne. Démonst. évang., t. XII, col. 383-513, et critiques aux difficultés sur divers endroits des Livres saints, Besancon, 1773. Inutile du faire remar quer que ces ouvrages ont vieilli : cela était inévitable, mais tout n’est certes pas à dédaigner dans cette tentative. L’académicien Beauzée (1717-1789) écrivit des articles philosophiques dans Y Encyclopédie, mais on lui doit aussi une Exposition abrégée des preuves historiques de la religion, dans Migne, Démonst. évang., t. x, col. 1171-1264, écrite d’un style correct et disert. Plus directement, un évêque du Puy, Lefranc de Pompignan (17151791), s’en prit aux incrédules, et c’est pour les persuader de leurs erreurs, en même temps que pour prémunir les fidèles contre leur pernicieuse contagion, qu’il écrivit les Questions diverses sur l’incrédulité, l’incrédulité convaincue par des prophéties, 3 in-12, Paris, 1759 ; La religion vengée de l’incrédulité par l’incrédulité elle-même, 1772, dans Migne, Démonst. évang., t. xii, col. 651-790. Il devint plus tard archevêque de Vienne et président de l’Assemblée nationale et ministre. Il eut pour émule Adrien Lamourette (1742-1794), qui devint un instant célèbre, lorsqu’il proposa, en la nuit du 4 août 1789, la réconciliation des partis connue sous le nom de baiser Lamourette, et, qui, après avoir été évêque constitutionnel du Rhône, porta sa tête sur l’échafaud. Il nous a laissé deux livres écrits avant son apostasie, Pensées sur la philosophie de l’incrédulité, 1786, et Pensées sur la philosophie de la foi, 1789, qui se complètent l’un l’autre. Son contemporain, Claude-François Nonnotte (1711-1793), servit de cible à Arouet, mais celui-ci n’en est pas moins atteint par les Erreurs de Voltaire, Avignon, 1762, où il est plusieurs fois convaincu d’ignorance et de mensonge. Ce même jésuite devait traiter la question religieuse plus directement et avec plus d’ampleur dans le Dictionnaire philosophique de la religion où l’on établit tous les points de la doctrine attaqués par les incrédules, 4 in-12, Avignon, 1772. Son confrère Xavier de Feller(17351802) écrivit le Catéchisme philosophique, Paris, 1842, œuvre d’un esprit net, exprimant avec force et simplicité une pensée droite et présentant avec clarté les préambules rationnels de la foi. Il ne jouit pas cependant auprès de ses contemporains d’une réputation comparable à celle de Para du Phanjas, S. J. (1721-1797), qu’il déclare être « sans exemple pour l’élévation de la pensée, la perfection de la méthode et la clarté du style » . Les principes de la saine philosophie conciliés avec ceux de la religion, 2 vol., Paris, 1774, dans Migne, Démonst. évang., t. x, col. 1-431, qui attirèrent à leur auteur de tels éloges, sont aujourd’hui bien oubliés. On lirait plutôt les Recherches philosophiques sur les preuves du christianisme, in-8°, Genève, 1770, du protestant Charles Bonnet, naturaliste très distingué. Mais ses idées sur le miracle, que sa définition (sinon son intention) range parmi les phénomènes naturels, et ses rêveries sur les existences successives de l’homme après la tombe, altèrent singulièrement ce qu’il peut y avoir de solide dans son ouvrage. Un autre savant, son compatriote, J. -André Deluc, 1727-1817, se voua à la défense religieuse. Dans ses Lettres sur le christianisme adressées au pasteur Teller, de Berlin, dans Migne, Démonst. évang., t. xii, col. 945-1087, et sur l’Essence de la doctrine de Jésus-Christ, écrites à WollT, ibid., col. 1087-1150, mieux encore dans ses Observations sur les savants incrédules et sur quelques-uns de leurs écrits, ibid., col. 791-945, il montre qu’il n’était pas seulement un physicien distingué, mais encore un croyant. Pourtant on a dû reconnaître en ses écrits des traces de socinianisme. Serait-on injuste en adressant le reproche de prolixité à A. Duhamel († 1769) dont on a Quatre lettres d’un philosophe à un docteur de Sorbonne, sur les explications de M. de liuflon, in-12, Strasbourg, 1751, et les Lettres flamandes ou histoire des variations et contradictions de la prétendue religion naturelle, Lille, 1752, dans Migne, Démonst. évang., t. XII, col. 9-132, et à Claude Roussel (|- 1764), curé de Saint-Germain, auteur des Principes de religion OU Préservatif contre l’incrédulité, Paris, 1751, 1753. Il faut bien