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485 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 486

fréquemment, comme celui de la captivité d’un des con- joints. C’est ce que nous verrons se produire en parti- culier aux conciles de Verberie et de Compiègne, qui ne rangèrent pas l’adultère simple parmi les nombreuses causes de divorce qu’ils admirent. Il y a là une preuve que le courant dont nous parlons résultait de mœurs invétérées et des lois civiles, et qu’il ne prenait pas sa source dans des données d’ordre religieux et spécu- latif.

Il ne faudrait pas croire cependant qu’il fût jamais prédominant. Il s’en faut de beaucoup ; car, nous allons le voir, toujours et presque partout il fut combattu par les papes, par les évêques, par les exégètes et les théo- logiens, au nom des principes de l’Evangile.

2° La pénitence et le mariage. — La pénitence, pour quelque faute qu’elle eût été imposée, entraînait, par rapport au mariage, des conséquences qu’il importe de connaître pour apprécier les décrets de l’époque. La question n’est pas sans difficulté ; comme ce n’est pas le lieu de la discuter, nous donnons simplement les con- clusions auxquelles s’arrête M. Freisen, op. cit., § 53, p. 561 sq. Pendant la période antérieure au xn e siècle, il a été défendu aux gens mariés d’user du mariage et aux gens non mariés de contracter mariage, tout le temps que durait la pénitence. On ne cite qu’un canon de cette époque inséré dans Gratien, caus. XXXIV, q. n, c. 13, et attribué à saint Léon le Grand, qui permette l’usage du mariage pendant la pénitence ; mais les cri- tiques pensent que le canon est apocryphe et qu’il a été fabriqué peu avant le temps de Gratien. Freisen, op. cit., p. 572 ; Friedberg, Corpus juris canonici, Leipzig, 1879, t. i, p. 1156. C’est pour cela que les gens mariés avaient besoin de l’assentiment de leur conjoint pour recevoir la pénitence. — Le droit d’user d’un mariage antérieur ou d’en contracter un nouveau était-il rendu aux pénitents après leur pénitence ? Il y eut sur ce point deux disciplines en vigueur. L’une plus sévère et plus ancienne indiquée par le pape Sirice (385), dans une lettre à l’évêque Himerius, c. v, Jaffé-Wattenbach, Regesta pont. Rom., n. 255(65), P. L., t. lvi, col. 554 ; décret de Gratien, caus. XXXIII, q. n, c. 12, qui dé- fendait aux pénitents de se marier ou d’user de leur mariage, même après leur pénitence, et qui était un peu mitigée par l’exception faite à cette règle, en fa- veur des jeunes gens, par Léon I er (458 ou 459), Décret. caus. XXXIII, q. il, c. 14 ; Jaffé-Wattenbach, op. cit., n. 544 (320), P. L., t. liv, col. 1199, dans une lettre à Rusticus de Narbonne. Cette discipline fut adoptée par l’Espagne et par les pays francs. Cependant une autre pratique était suivie en Gaule au vi e siècle. Les conciles d’Agde(506),c.61,Labbe,ConeiL,t. iv, col. 1393, etd’Épaone (517) en Bourgogne, c. 30, ibid., col. 1579, accordent en effet à ceux qui ont péché par des unions incestueuses, la liberté de contracter d’autres mariages. Quitus con- junctio illicita interdicitur habebunt ineundi melioris conjugii libertatem. DécretdeGratien,caus. XXXV, q.n, c. 8. Cettepratique plus douce fut adoptée en pays francs à partir du vm e siècle, ainsi qu’en témoignent les conciles •de Verberie (753), can. 1 , Hardouin, Concil., t. m, col. 1990, et de Worms (868), can. 30. Mansi, Concil., t. xv, col. 875. Elle serait même devenue la règle de l’Église romaine, dès le milieu du ix e siècle, si les deux lettres du pape Nicolas I er à l’évêque Charles de Mayence étaient au- thentiques ; car la première de ces lettres, P. L., t. cxix. col. 809, reproduit le canon 30 du concile de Worms. Mais l’authenticité de ces lettres est contestée. Jaffé- Wattenbach, Regesta, n. 2709 (2045) ; Freisen, op. cit., p. 567. Quoiqu’il en soit, Gratien, Décret., caus. XXXIII, q. xxi, c. 11, 12, présente l’ancienne discipline prescrite par saint Sirice comme la règle stricte ; il con- sidère la pratique qui autorisait l’usage ou la célébration du mariage après la pénitence, comme tolérée par l’autorité ecclésiastique. Cette pratique était donc cer-

tainement reconnue de son temps par le Saint-Siège.

3° Conditions faites à l’époux coupable en cas d’adul- tère. — L’adultère devait être expié par la pénitence. Celui qui l’avait commis était donc soumis aux règles que nous venons de rappeler. On se montrait même plus sévère vis-à-vis des adultères que vis-à-vis de plu- sieurs autres pénitents, pour ce qui regardait le mariage.

Lorsqu’une femme avait été convaincue d’adultère, son mari devait la renvoyer. Gratien, caus. XXXI-, q. I, c. 1, 2, 3. Cependant il n’y était tenu qu’autant qu’elle ne voulait point se corriger. Ibid., c. 4. Mais il ne pouvait vivre avec elle qu’à la condition de subir lui aussi une pénitence. Ibid., c. 4, 6.

Pendant que l’adullére faisait pénitence de son crime, son mari devait s’abstenir de tout rapport conjugal avec elle, mais il pouvait la reprendre ensuite. Ibid., c. vu, vm. Il était aussi défendu à la femme adultère, qu’elle eût été ou non renvoyée par son mari, de con- tracter aucun autre mariage, même après la mort de ce dernier, du moins aussi longtemps qu’elle n’avait pas fait pénitence. Décret de Gratien, caus. XXXII, q. i, c. 10, § 2 ; c. 13. Le concile de Frioul, réuni en 791 sous la présidence de saint Paulin d’Aquilée, s’exprime à ce sujet aussi clairement que possible. Il nous a plu, dit-il, c. 10, Mansi, Concil. col., Florence, 1767, t. xin, col. 849, il nous a plu, lorsque le lien du mariage a été" dissous pour cause de fornication, qu’il soit défendu au mari, tant que vit la femme adultère, de prendre une autre’ épouse, bien que la première soit adultère. Quant à la femme adultère qui doit subir des peines très graves ou le tourment de la pénitence, il lui est défendu de recevoir un autre époux, soit du vivant, soit après la mort du mari qu’elle n’a pas eu honte de tromper, sed nec adultérée, quse pœnas gravissimas vel pœnitentise tormenlum luere débet, alium accipere virum nec vi- vente nec mortuo, quem non erubuit defraudare ma- rito. D’autres textes permettent un nouveau mariage, mais après la pénitence accomplie. Ainsi, le pénitentiel de saint Théodore l’autorise, après cinq ans suivant certains manuscrits, après deux ans suivant d’autres. L. II, c. xn (xi), n. 5 ; Schmitz, Die Bussbiïcher und canonise/te Bussverfahren, t. n, Dusseldorf, 1898, p. 576. Cf. Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, 2 e édition, Paderborn, 1893, § 56, p. 620 sq.

Cependant Gratien admet que la femme adultère est impropre à un nouveau mariage, même après qu’elle a fait pénitence. lbid.,c. 13. Mais, à ses yeux, il y avait à cette règle des exceptions, aussi bien qu’à la règle stricte qui défendait le mariage à tous ceux qui avaient subi la pénitence. Gratien admet en effet qu’il est louable d’épouser une prostituée, comme Rahab, pour la rame- ner à la vertu. Ibid., c. 13, 14.

Quoi qu’il en soit des adoucissements apportés ensuite à la loi sévère formulée à la fin du vin e siècle au con- cile de Frioul, cette loi interdisait à tout jamais aucun mariage aux adultères. Il convient de s’en souvenir pour avoir le vrai sens de certains canons de cette époque, qui semblent permettre un nouveau mariage du vivant d’un premier mari. Perrone, De matrimonio christia- no, Liège, 1861, t. ni, p. 350, rappelle cette loi, pour expliquer un canon d’un pénitentiel dit romain, publié par Antoine Augustin, Canones pœnitentiales, Venise, 1584. Pœnitent. rom., tit. m, c. 20, p. 27. Voici ce ca- non : Contigit tibi ut uxor tua, te comeio et hortante, cum alio viro, illa autem nolenle, adulterium perpe- traret : si fecisti quadraginta dies in pane et aqua paenitcas, et septem annos, unum ex bis in pane et aqua ; et nunquam sis sine psenitenlia. Si autem uxor tua hoc probare potuerit, quod tua culpa et tuo jussu, se renuente et luctante, adulterata sit ; si se continere non potest, nubat cul voluerit, tantum in Domino. Tu autem sine uxoria spe in perpetuo maneas. Illa autem si consenliens fuerat, eadem jejunet, quse libi proposita