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MARTIN I er, LE CONCILE DE G49


savons que, sitôt le concile terminé, les Actes ont été envoyés en Orient ; la traduction grecque qui en reste est, selon toute vraisemblance, la version originale faite pendant le concile même et expédiée aux avants cause. Nous ne voudrions pas garantir que le texte latin, tel qu’il est actuellement publié par les grandes collections conciliaires, représente le procès-verbal original « les sessions. A plus d’un endroil le texte, en fort mauvais état, n’esl intelligible que par comparaison avec le grec. On a parfois la sensation que le latin est une traduction du grec, qui n’a pas toujours été parfaitement compris. Ce phénomène n’est pas unique dans l’histoire littéraire. Voir ce qui a été dit du texte latin des lettres d’Honorius, ci-dessus, t. vii, col, 101.

3° Sessions, conciliaires. - Le concile tint sa première session le 5 octobre : après quoi il y en eut quatre autres, les 8, 17, 19. et 31 du même mois. Toutes les séances lurent présidées par le pape, qui dirigeait lui-même toutes les délibérations ; il n’y eut guère de discussions d’ailleurs. Tout se passa comme si le protocole avait été soigneusement préparé à l’avance, sans doute en des réunions particulières, et l’on n’assiste à aucun incident de séance. Le pape, à chaque session, prend la parole le premier, expose le point spécial qui va être traité, fait lire les documents tout préparés qui s’y rapportent ; les deux autres dignitaires du clergé d’Italie, l’archevêque d’Aquilée et celui de Ravenne (ce dernier par l’intermédiaire de ses représentants) s’associent par des discours plus ou moins longs aux paroles pontificales. A plusieurs reprises, sous la rubrique Syncdus dixit, s’intercalent des approbations assez longues de motions faites par le pape. Il ne peut s’agir que de paroles prononcées par quelque membre de l’assemblée, trop obscur, sans doute, pour que l’on ait fait figurer son nom au procèsverbal. Nous avons ici le type d’un de ces innombrables synodes que les papes réunirent au Latran, en leur qualité de métropolitain de l’Italie, et qui n’ont souvent laissé que des traces fugitives. Celui-ci pourtant était plus nombreux que les conciles habituels ; il comprit cent cinq évêques, presque tous originaires d’Italie, de Sicile et de Sardaigne ; mais il y avait aussi quelques prélats venus d’Afrique.

1. La première session fut presque entièrement occupée par un discours du pape, exposant les débuts et les progrès de l’erreur monothélite ; la responsabilité première retombait sur Cyrus évêque d’Alexandrie, sur Sergius de Constantinople et ses deux successeurs. Tous auraient dû être arrêtés par l’exposé si clair de la double opération contenu dans le Tome de Léon, par les textes si nets de l’Évangile qui parlent des deux volontés dans le Christ. Au lieu de cela, Sergius a fait lancer par l’empereur Héraclius VEcthèse impie ; quant à Paul il a persuadé au très clément empereur de publier un Type destructeur du dogme catholique. Pis encore ! Paul, au lieu de se rendre aux observations du Siège apostolique, a maltraité les apocrisiaires envoyés par lui. Contre la tyrannie qu’il a exercée en divers lieux de l’Orient des plaintes en règle sont venues jusqu’au Saint-Siège. Le pape a donc cru nécessaire de réunir le concile pour aviser aux mesures à prendre tant contre la personne des coupables que contre les nouveautés doctrinales professées par eux.

2. On sait que, se conformant sur ce point aux coutumes des tribunaux séculiers, les anciens conciles, où des jugements d’ordre personnel avaient d’ordinaire leur place, avaient adopté la procédure accusatoire. C’est à entendre les accusations portées soit contre l’actuel patriarche de Constantinople, soit contre ses prédécesseurs que fut consacrée la deuxième session. Successivement défilèrent Etienne, évêque de Dora,

portanl plainte contre le patriarche Paul, divers

moines et archimandrites palestiniens demandant la condamnation personnelle de Sergius, Pyrrhus et Paul, réclamant aussi le rejet du Type extorqué par Paul au très pieux empereur. — Le métropolitain de Chypre, Sergius, avait, sept ans auparavant, écrit au pape Théodore, suppliant en fort bons termes le Siège apostolique, fondement de la vérité, de dire le droit en toute cette affaire et de condamner le monothélisme. Sa lettre fut jointe au dossier de l’accusation, comme aussi celle du concile d’Afrique, rappelant le vains efforts faits par les Africains pour retirer Paul de l’hérésie, celle enfin de l’évêque élu de Cartilage, Victor, demandant la condamnation des nouveautés dogmatiques. Après lecture de la synodique de Victor, le pape fit observer la correction de ce prélat : tout en réprouvant les erreurs de Paul, il a continué à tenir celui-ci pour évêque légitime, donec judicium de eo nostrae upostolicæ uucloritedis hoc est principis aposlolorum Pétri cognoscal. IMansi, col. 950 D. Du reste tous les autres plaignants avaient rendu témoignage, d’une façon aussi peu équivoque, au droit du Saint-Siège.

3. L’accusation ayant déposé sa plainte, il restait à entendre la défense. Celle-ci était représentée, en l’espèce, par les écrits mêmes des personnages incriminés ; mais l’audition des accusés révélerait qu’ils étaient bien réellement coupables des nouveautés doctrinales qu’on leur reprochait. La troisième session tout entière leur fut réservée ; c’est, de beaucoup, la plus importante pour l’histoire du monothélisme, puisque l’on s’y efforça, sans y réussir toujours parfaitement, de mettre en évidence les origines de l’hérésie. L’essentiel était de montrer que le monothélisme n’était en somme qu’un avatar du monophysisme. Divers textes de Théodore de Pharan, considéré comme le premier auteur de l’hérésie, furent versés au débat ; ils témoignaient que ses affirmations relatives à une volonté unique dans le Sauveur dérivaient en dernière analyse d’un docétisme plus ou moins larvé sur lequel le pape attira l’attention du concile. Voir surtout col. 961-963. On continua par l’examen des textes de Cyrus. et de Sergius relatifs à « l’unique opération théandrique » . Ce fut l’occasion pour le concile de tenter, sans grand succès d’ailleurs, une exégèse orthodoxe du célèbre texte dionysien. Nul ne soupçonnant la fraude qui avait mis sous le nom de Denys, disciple de Paul, les doctrines plus ou moins sujettes à caution que l’on sait, il convenait d’établir que la pensée de Sergius et de Cyrus différait complètement de celle de l’Aréopagite. On le montra, et l’on fit même remarquer que, pour arriver à leurs fins, les deux comparses avaient dû maquiller le texte original de l’Épître à Gaïus. Voir cette très curieuse exégèse dans Mansi, col. 971-978 et 983-986. Un troisième document devait être, dans la pensée de Martin, plus accablant encore pour les deux patriarches monothélites ; c’était une lettre de Thémistius, monophysite fameux, auteur de la secte des agnoètes, où s’exprimait clairement l’unité d’opération. Se réclamant de Sévère, la grande autorité de l’Église jacobite, Thémistius avait écrit : « Confessons donc une seule opération théandrique et non pas une seule opération divine. » Voilà bien, fait alors remarquer le pape, voilà bien la source où Cyrus a puisé son 7e canon ; et même il convient d’ajouter que Cyrus et Sergius sont allés plus loin que l’agnoète dans la voie de l’erreur, puisque finalement ils ont supprimé le mot théandrique, qui implique quelque dualité, pour ne conserver plus que l’opération unique. — Il ne restait, pour compléter’la démonstration de la culpabilité qu’à faire lire au concile et VEcthèse que Sergius avait dictée au basileus, et les textes de Sergius et de Pyrrhus prescrivant à leur