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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), ÉPOQUE DES CROISADES

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d’Occident. Voir la lettre de Fr. Gryphon, écrite de Rome aux maronites en 1469, citée par H. Lammehs, Frère Gryphon, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1899, t. iv, p. 94-95. C’est, sans doute, à cause de cette communion de foi qu’une place privilégiée leur était réservée dans l’organisation des États latins. « Venant de suite après les Francs, ils se trouvaient placés avant les jacobites et les arméniens, qui eux-mêmes précédaient les grecs, les nestoriens et les abyssins. Ils étaient admis dans la bourgeoisie, faveur les autorisant à posséder des terres et même à jouir de certains privilèges dont bénéficiaient les bourgeois francs. » R. Ristelhueber, op. cit., p. 58. Au rapport de Guillaume de Tyr, t. XXII, c. viii, l’Église maronite comptait à cette époque près de 40 000 fidèles. Dans ce chiffre, faut-il compter les femmes ? Il nous semble que non. En effet, la coutume était alors, en Syrie, comme elle est resté ensuite durant de longs siècles, de ne pas comprendre l’élément féminin dans le recensement de la population.

Un des résultats des croisades fut d’ouvrir aux maronites le chemin de Rome. Leur patriarcat ayant été formé pendant que toute communication avec l’Occident leur était coupée, ils n’avaient guère pu jusque-là entretenir de relations avec le Saint-Siège. Le principal document qui nous indique les premiers rapports établis, grâce aux croisades, entre Rome et l’Église maronite, est une lettre de Gabriel Ibn-Al-Qe ! a’î au patriarche Simon de Hadath. Gabriel écrivit à ce dernier, en 1494, pour le presser de demander, au plus tôt, la confirmation pontificale de son élection, faisant valoir à ce sujet la tradition maronite. « On ne peut m’objecter, dit-il, que cette coutume est une innovation, inventée par moi. Plus de quinze lettres de papes, munies de leurs sceaux, me rendent témoignage et sont encore conservées aux archives de votre couvent. On y lit des professions de foi, vieilles de 282 ans et plus. Votre propre profession de foi se trouve à Rome où elle fut apportée par Gryphon et les FF. Alexandre et Simon. Le Fr. Jean, supérieur de Reyrouth, délégué de votre patriarche Jean Al-gàgî, avait fait de même au concile de Florence, et avant lui Aiméric des frères prêcheurs et le cardinal Guillaume, légat du pape auprès de votre peuple. Les principaux du clergé et de la nation, le patriarche, pour lors Grégoire de Hâlât (de la premièe moitié du xiie siècle), se réunirent en sa présence : tous attestèrent par écrit et jurèrent de demeurer invariablement attachés au siège de Rome. Lorsque le roi Godefroy, après la prise de Jérusalem, envoya porter cette nouvelle à Rome, à ses ambassadeurs s’étaient joints des envoyés du patriarche Joseph Al-gargasî, et ils lui rapportèrent une crosse et une mitre. Du temps de la reine Constance (femme de Robert, roi de Sicile), on commença au Liban à sonner les cloches, selon l’usage de l’église occidentale : jusque-là on n’avait employé pour appeler aux offices que des morceaux de bois comme les Grecs. Quand cette princesse acheta pour 80.000 dinars à Jérusalem l’église de la Résurrection, le tombeau de Marie, le mont des Oliviers et le sanctuaire de Bethléem, elle donna aux maronites la grotte de la Croix et plusieurs autels dans les autres églises de la Ville sainte, leur permettant de célébrer sur les autels des Francs et avec leurs ornements, ajoutant en outre une confirmation pontificale de tous ces privilèges. Et dans une réunion de maronites, tenue à Jérusalem, tous s’engagèrent solennellement à rester fermement unis à la communion romaine… » Traduction du P. Lammens, Frère Gryphon, ibid., p. 99-100. Les renseignements contenus dans cette lettre sont trop précis pour être controuvés. D’ailleurs, Ibn-Al-Qela’î indique ses sources d’information : les archives du patriarcat maronite et celles de Saint-Pierre de Rome.

Voir plus haut, col. 23. En outre, la vivacité de sa narration suppose que les faits relatés par lui sont assez connus pour que personne ne songe à les nier ou même à les contester. S’il en était autrement, il n’aurait pas choisi une telle base pour son argumentation. Au demeurant, quelques-uns de ces faits, attestés d’ailleurs par Jacques de Vitry, ont été illustrés par certaines peintures qui ornaient les absides des deux églises maronites de Ma’âd et de Bhadidat. Ces peintures, antérieures au patriarche Jérémie (élu en 1183), représentaient saint Alaron et saint Cyprien revêtus du pallium et portant chacun une mitre. Elles existaient encore au temps de Douaïhi († 1704) ; il nous le dit lui-même, Défense de la nation maronite, dans Chartoûnî, Histoire de la nation maronite, Reyrouth, 1890, p. 368 n. Les anciens du village de Ma’ad affirmaient, il y a quelques années, au P. Lammens que, si l’on ôtait les décombres de leur église, on retrouverait, entre autres peintures, le portrait de saint Jean Maron. Le Liban, t. i, p. 87.

Une histoire de l’Église maronite à cette époque serait trop incomplète si elle n’indiquait pas la liste des patriarches. Nous avons au xiie siècle Joseph Algargasî, Pierre, Grégoire de Hàlât, Jacob de Râmât, Pierre, Jean de Lehphed, Pierre, Jérémie Al-’Amchitî. Pour aucun, sauf pour Jérémie, nous ne connaissons la date exacte de l’élection et du décès. — Le premier est mentionné dans la lettre d’Ibn-Al-Qela’î, citée plus haut. Il reçut d’Urbain II une lettre qui se trouvait encore, sous le pontificat de Douaïhi († 1704), aux archives de la résidence patriarcale de Qannoûbîn. Douaïhi, cité par Chartoûnî dans la Chronologie des patriarches maronites, Beyrouth, 1902, p. 21, n. 2. — Le nom de son successeur est consigné dans une note écrite en 1432 de l’ère des Grecs (= 1121 de J.-C.) au fol. 262 d’un ms. syriaque qui, au temps de Douaïhi, était conservé à Qannoûbîn, mais qui, depuis, fut transporté par Assémani à la Bibliothèque vaticane. Bibl. orient., t. r, p. 307 et 611-612 ; Douaïhi, Chronologie, p. 21-22. Il figure aussi dans une inscription syriaque faite au-dessus d’une fenêtre de l’ancien couvent de Meïphouq ou Maïfouq. Voir P. Chebli, dans la Revue biblique, 1901, t. x, p. 588-589. — Le souvenir de Grégoire de Hàlât se perpétue grâce à la lettre d’Ibn-Al-Qela’i, que nous venons de citer, et à une inscription syriaque de l’église de Râmât, reproduite par Renan, Mission de Phénicie, 1864, p. 249.

— Le pontificat de Jacob de Râmât est attesté dans une note écrite de sa main, en 1452 (= 1141), sur le ms. syriaque cité ci-dessus. Assémani, Bibl. orient., t. i, p. 307 ; Douaïhi, Chronologie, p. 22-23. — Jacob eut pour successeur Pierre. Voir une note écrite en arabe en 1465 des Grecs (= 1154 de J.-C.) sur l’évangéliaire syriaque n. 1, conservé à la Laurentienne de Florence, fol. 7. Ét.-Év. Assémani, op. cit., p. xxviiixxix et 18 ; cf. Darian, La substance des preuves, p. 302-303. — - Pierre fut remplacé par Jean de Lehphed, auteur d’une anaphore syriaque, connue sous son nom. Assémani, Bibl. or., t. i, p. 522 ; Douaïhi, Chronologie, p. 23-24. — Après Jean de Lehphed vient un autre Pierre, qui, en 1490 ( = 1179), conféra l’épiscopat à son futur successeur, Jérémie Al-’Amchitî, élu, en 1183, au siège d’Antioche. Voir ci-dessus, col. 24, la note écrite par Jérémie lui-même. C’est le premier patriarche qui fit en personne la visite ad limina, en 1213. Il assista au IVe concile du Latran. Le souvenir de sa présence dans la ville éternelle a été perpétué à Saint-Pierre du Vatican par une peinture le représentant comme ayant opéré un miracle. Cette peinture, restaurée en 1655 par ordre d’Innocent X, se trouvait encore à Saint-Pierre lorsque Douaïhi était à Rome. Douaïhi, ms. 395, fol. 98 r° et v°, et 99 r°. Cf. Mansi, Concil., t. xxii, col. 1071.