Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/504

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

993 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA RENAISSANCE CAROLINGIENNE 994

ou sont-ils réunis en un seul pour ne se distinguer que formellement ? » Lepin, p. 94. Ils ne se sont pas posé ce problème ; ils ont vu l’importance centrale de la consécration au sacrifice de l’autel, puisqu’ils l’ont attribuée à l’activité divine du Christ et de l’EspritSaint, mais ils n’ont pas eu la préoccupation de définir ce sacrifice.

c) La messe participation au corps du Christ. — Mémorial du sacrifice du Calvaire, le sacrifice de l’autel ne l’est pas seulement par l’oblation de la victime de la croix, il l’est aussi par la participation réelle à cette victime dans la communion.

La communion est en effet, à côté de la consécration, un des sommets de la messe. Comme l’oblation de la cène, celle de la messe est orientée naturellement vers une communion à la victime offerte. Ce n’est pas à dire cependant que, pour les Pères, le sacrifice de la messe ne soit constitué avant la communion. Ce que saint Augustin dit de la valeur du sacrifice de la messe pour les défunts, les possédés, ce que saint Grégoire rapporte de cette valeur pour les prisonniers, pour les absents, montre que le sacrifice de la messe possède du fait de sa seule oblation, indépendamment de la communion de ceux qui y sont intéressés, sa valeur propitiatoire et impétratoire. La communion ne constitue pas mais complète le sacrifice de la messe.

d) La messe communication de la vertu rédemptrice de la croix. — Tous les Pères s’entendent à distinguer entre l’oblation rédemptrice qui mérite une fois pour toutes le salut, et l’oblation de la messe qui applique aux vivants et aux défunts le prix de la rédemption. La réflexion théologique et la piété populaire prenant de plus en plus conscience de cette valeur dérivée de la croix et reconnue au sacrifice de l’autel, les messes se multiplient.

e) La messe participation subjective au mystère de la passion. — Les Pères aiment enfin à insister sur la nécessité d’ajouter, au cours de la messe, à la participation objective au sacrifice du Calvaire par l’offrande et la communion, la participation subjective des fidèles par le souvenir du mystère de la croix et la pratique de la charité chrétienne.

Le fidèle apprend du Christ sur l’autel à s’offrir lui-même. « Puisque nous célébrons les mystères de la passion, il nous faut imiter ce que nous faisons, donc nous immoler nous-mêmes dans la contrition du cœur. Alors l’hostie sera vraiment offerte à Dieu, quand nous serons faits nous-mêmes cette hostie. » Ces paroles de saint Grégoire résument bien la pensée de la tradition et particulièrement de saint Augustin sur la nécessité de cette participation subjective au mystère de la passion.

IV. Les débuts de la Renaissance carolingienne. — Le mouvement théologique de cette époque reçoit son orientation de la réforme carolingienne : celle-ci se fait sur le terrain liturgique et patristique. C’est dire qu’elle n’est point ordonnée à la spéculation, mais demeure, comme la pensée de la liturgie et des Pères, d’inspiration surtout pratique. Ce n’est point tout pour Charlemagne d’introduire en son empire la liturgie romaine ; il veut en faire donner l’intelligence au clergé et au peuple.

De là naît ou du moins se développe sous son inspiration, un nouveau genre d'écrits théologiques : VExpositio missse. On s’efforce d’y saisir le sens des mots et des cérémonies de la messe. A cette enquête, les théologiens apportent des états d’esprit différents : méthode allégorique avec Amalaire qui traite chaque mot, chaque cérémonie de la messe comme un mystère à expliquer, méthode plus sobre, plus objective avec Florus qui interprète davantage la messe à la lumière des Pères. C’est dans les différentes Exposiliones missæ de la première moitié du ixe siècle

qu’il faut chercher l’expression de la théologie courante d’après laquelle étaient alors formés les prêtres.

Plus important encore que l’influence liturgique est le retour à la tradition patristique. La théologie de l'époque est essentiellement positive. Il lui sullit d’abord d'être un écho ; elle répète dans ses compilations ce qu’ont dit les anciens, sans songera mettre de l’unité dans l’exposé varié de leurs doctrines. Mais bientôt va se poser le problème de leur harmonisation ; dans le cercle érudit de Charles le Chauve, la question sera de savoir quelle est la part de figure et de vérité qu’il faut reconnaître dans le mystère de l’autel, d’après l’enseignement des Pères. Pour répondre à cette question, les textes de saint Augustin et de saint Ambroise surtout, d’autres textes patristiques aussi vont être étudiés, confrontés bien des fois. L’un des fruits principaux de la controverse inaugurée au milieu du ixe siècle, et terminée seulement par la condamnation de Bérenger au xie siècle, sera de mettre en meilleur relief l’accord des Pères dans l’affirmation du réalisme sacrificiel de l’autel.

Il faut noter enfin une troisième influence qui s’exerce aussi dans un même sens réaliste et pratique : c’est celle de la piété chrétienne. Tout imprégnée qu’elle est de la pensée reçue de la tradition, à savoir que l’eucharistie est le moyen par excellence d’incorporation au Christ et de propitiation pour les vivants et les morts, elle est pénétrée de plus en plus d’un vif désir de s’assurer les fruits de la messe : elle multiplie les oblations et par le fait les messes privées.

Or ce mouvement qui se développe surtout au ixe siècle a sa répercusion chez les théologiens. L’importance accordée aux fruits de la messe s’accuse dans leurs écrits, on y envisage la messe surtout dans ses fins et ses effets. On parlera souvent du sacrifice eucharistique comme d’un mémorial, comme d’une figure, mais dans cette atmosphère vivante de la piété de l'époque, il ne pourra être question d’un mémorial vide. A l’autel, on reconnaît sans doute qu’il y a bien la commémoraison d’une immolation passée, la figure de ce corps céleste qui se révélera un jour dans la gloire, la figure aussi du corps mystique qu’est l'Église, mais l’on n’oublie point que, sous ce mémorial figuratif, il y a la réalité du corps du Christ qui vient s’offrir pour son Église et se donner aux âmes pour se les incorporer. Aussi longtemps que la réflexion théologique se développera sans perdre contact avec la piété qui véhicule le réalisme traditionnel, aussi longtemps les théologiens seront unanimes à défendre ce réalisme. Ce n’est qu’en dehors de cette atmosphère, en contradiction avec la piété du vulgaire, comme dira Bérenger, que la vérité du sacrifice eucharistique sera mise en discussion et deviendra un problème.

Il n’y a pas lieu de dresser ici une nomenclature complète des travaux de cette époque qui ont rapport au sacrifice eucharistique ; ce serait pour une bonne part répéter ce qui a été dit à l’art. Eucharistie, col. 1209-1221 et 1232. Il suffira d’analyser les principaux témoignages concernant le sacrifice que l’on trouve dans les traités liturgiques, recueils canoniques et travaux De corpore et sanguine Christi.

Charlemagne et son entourage.

1. Charlemagne

ne s’est point contenté seulement de donner un élan nouveau à la réforme liturgique inaugurée sous Pépin le Bref ; lui-même, à l’occasion, a exposé sa propre pensée sur la messe ; il s’est préoccupé surtout do promouvoir chez les prêtres et le peuple une intelligence plus profonde du mystère de l’autel.

Dans les Livres carclins écrits sous son inspiration, on le voit s'élever incidemment contre des expressions qui tendraient à compromettre le réalisme sacrificiel : « Le Christ, dit-il, a placé le mémorial de sa très sainte passion non dans une image ou œuvre

DUT. DE THEOL. CATHOL.

X. — 32