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1021 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LES DÉFENSEURS DE PASCHASE 1027

réalisme, et montra que la doctrine de ces écrits s’harmonisait avec celle de saint Ambroise. Il cita enfin de nouveaux témoignages patristiques bien choisis de Cyprien. Eusèbe d'Émèse, Grégoire, Cyrille d’Alexandrie. De ces témoignages négligés par Ratrainne se dégageait une impression puissante de réalisme sacrificiel. Ils seront repris souvent plus tard par les auteurs soucieux de défendre l’idée traditionnelle de l’eucharistie et du sacrifice de la messe. Voir I.epin, op. cit., p. 37-47.

En face de ce mystère de l’autel, Paschase rappelle aussi la part de la foi et de la raison : celle de la foi, recevoir comme les apôtres le mystère jadis institué : col. 1359 A ; celle de la raison : confesser sa faiblesse devant le mystère de l’autel comme devant celui de l’incarnation, col. 1358 B.

Paschase mourut vers 860 sans avoir vu le triomphe de ses idées : mais ses efforts ne furent pas vains ; en luttant pour la thèse de l’identité du corps historique et du corps eucharistique, il luttait pour la défense du caractère essentiel du mystère de l’autel : l’identité du prêtre et de la victime à la messe et sur la croix. Sans doute, longtemps encore les esprits vont rester partagés sur la thèse de l’identité : chez les uns les deux tendances réaliste et dynamiste coexisteront ; chez d’autres, l’opposition au réalisme persistera ; d’autres se rallieront de plus en plus au réalisme de Paschase : sa position n’avait-elle point pour elle la piété traditionnelle et l’ensemble des témoignages patristiques ? La lutte contre Bérenger sera surtout menée d’après la méthode et les arguments de Paschase, et la condamnation de l’archidiacre de Tours sera la conclusion dogmatique toute naturelle de la lutte engagée sous Charles le Chauve par Paschase en faveur du réalisme du mystère eucharistique.

2. Hincmar (j 882) ne se contenta point de rejeter comme une nouveauté la conception de Scot sur la messe, pur mémorial de la croix ; à la suite de Paschase et comme lui, il sut faire la synthèse des points de vue d’Ambroise et d’Augustin, et en s’inspirant, non seulement de ces deux autorités, mais surtout de Florus et de Bède, il exposa la doctrine du sacrifice chrétien. Pour lui comme pour Paschase, le Christ est à la fois prêtre, victime et autel du sacrifice chrétien.

Le prêtre éternel identique à la cène, à l’autel et au ciel. — Jésus-Christ dans son incarnation est devenu notre prêtre. Prêtre éternel, il a institué lui-même le mystère de notre foi : De cavendis viliis, c. viii, P. L., t. cxxv, col. 913 AB. A l’autel, il continue d’exercer son activité sacerdotale par la puissance miraculeuse de sa parole dans la consécration : Jésus qui altaribus sacrosanctis inter immolandum, utpote proposita consecraturus, adesse non dubitatur. Id., c. ix, col. 915 B. C’est Dieu qui consacre par les paroles évangéliques : Deus enim adest verbis suis evangelicis sine quibus sacramentum non consccratur, et ipse sanctificat sacramentum suum et (acit seipsum. Id., c. x, col. 924 15.

La parole, jadis créatrice, puis source de miracles chez les prophètes et dans l'Évangile, garde le pouvoir de changer la nature du pain et du vin au corps et au sang du Christ. Col. 917, 927. Aussi, quel que soit le prêtre visible, fût-il schismatique, hérétique ou immoral, s’il respecte la tradition dans la forme du sacrifice, la messe demeure valide, car elle est toujours l'œuvre du prêtre éternel. Col. 924 D. C’est un point de vue opposé à celui de Florus.

Enfin, ce qui se passe à l’autel se raccorde avec ce qui se passe au ciel : là, le Christ prêtre s’offre perpétuellement pour nous. On dirait que le sacrifice terrestre n’est que l’aspect visible du sacrifice céleste où le Christ offre pour nous un holocauste ininterrompu, par le fait qu’il montre sans cesse au Père la chair qu’il a

prise pour nous dans son incarnation. Tous les mots sont à peser dans la formule pleine qui suit : Non ergo in /lelibus, non in actibus nostris, sed in aduoeati nostri allegatione confidamus, qui pro nobis sine inlerrnissione liolocauslum Redemplor piissimus immolât, quia sine cessalione Patri suam pro nobis incarnationem demonstrat. Ipsa quippe incarnatio noslræ est emundationis oblatio. Cumque se Iwminem oslendit, delicla hominis interveniens diluit, et humanitatis suse mi/sterio perenne sacri/icium immolât, quia hsec sunt quæ mundal sacerdos pro nobis factus et sacrificium et allure. Id., c. viii, col. 913. L’idée de sacrifice paraît bien être ici rattachée surtout à l’incarnation.

La victime identique à la cène, sur la croix et à l’autel. — Notre Pâque éternelle, c’est le Christ immolé, id., c. ix, çol. 917, que le prêtre éternel consacre sur l’autel. Hincmar proclame en termes très réalistes la vérité du sacrifice de l’autel qui renouvelle l’offrande et l’immolation de la passion. Prædicate occisum et offerte in suo mysterio immolandum, et quotidie pro vobis id est pro peccatoribus mortuum crédite. C. x, col. 922 B.

Ainsi le fidèle vient-il chercher à l’autel le corps tout chaud du crucifié et boire son sang vermeil, corpus crucifixi in ara crucis torridum sumens, una cum ejus cruore roseo de latere crucifixi profuso. Ibid., col. 928 A. De là cette conclusion naturelle : dans l'Église pas de vrai sacerdoce, pas de vrai sacrifice en dehors du sacerdoce et du sacrifice propitiatoire du Christ prêtre et victime. Ibid.

L’autel du sacrifice chrétien. — C’est l’humanité du Christ : Altare enim de terra Deo facere, est incarnationem mediatoris adorare. C. viii, col. 912.

3. Adrei’ald moine de Fleury (| vers 878), défendit aussi la vérité du sacrifice eucharistique contre les « inepties » de Jean Scot, dans un traité dont une partie a été. publiée par d’Achéry, Spicilegium, t. i, p. 150 : De corpore et sanguine Christi, reproduit dans P. L., t. cxxiv, col. 947-954. Ce recueil se compose de sentences de Pères, en particulier, de saint Jérôme, de saint Augustin et de saint Grégoire.

4. Haymon d' Alberstadt († 853), dans quelques-unes des homélies qui lui -sont attribuées, Homil., lxiii, lxiv, lxvi, lxxii, se montre comme Paschase un témoin du réalisme sacrificiel. Voir surtout Hom., lxiv, P. L., t. cxviii, col. 363 C : Mcrito idem panis in carnem Domini mutatur, non per figuram neque per umbram, sed per verilatem. Credimus enim quod in veritate caro est Christi.

Suites de la controverse paschasienne.

 Les impulsions variées données aux études du mystère eucharistique durant la première moitié du ix c siècle vont

demeurer agissantes après la controverse paschasienne. C’est ainsi que l’ancienne Exposilio missse : Dominus vobiscum sera rééditée au xe siècle et corrigée, de façon à marquer les paroles de l’institution comme moment de la consécration, suivant les données de la liturgie romaine. Voir Geiselmann, Sludien zu fruhmitlelalterlichen Abendmahlschriften, p. 88, et Die Eucharistie lehre der Vorscholastik, p. 81. C’est ainsi que l’influence d’Amalaire se perpétuera par VExpositio missæ : Pro mullis. Voir Wihnart, art. Expositio missæ du Diction, d’arch., t. v, col. 1022. Celle de Florus va se continuer par Rémi d’Auxerre.

Tandis que les idées de Paschase vont avoir un large écho chez les moines de Cluny, et grâce aux œuvres de Gézon de Tortone, Liber de corpore et sanguine Domini, P. L., t. cxxxvii, col. 376-106, et de Ratifier de Vérone : Excerptum ex dialogo confessionali, c. xv, P. L., t. cxxxvi, col, 403-401, et c inclusion, col. 444, la tradition de Ratramne va trouver un disciple et un propagateur dans Aelfrik († 1020). La tendance à expliquer la constitution et l’unité du