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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA FIN DU XI « SIÈCLE
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la passion qui l’a mis à mort pour nous, ici sous une figure et une image de cette passion, figure et image telles que le Christ ne souffre plus en réalité, mais seule la mémoire de sa passion est véritablement renouvelée pour nous chaque jour. » De sacr., i, xvi, P. I… t. clxxx, col. 786. La passion à l’autel est simplement représentée : quasi pati reprivsentatus, col. 787 D, non vero, sed imaginario actu, col. 788 C, ipso mysterio significante. t. xviii, col. 793 B.

Où se trouve à la messe cette image expressive de la passion ? Dans la fraction du pain, redit Alger de I.iége après Rcmi d’Auxerrc. Florus et d’autres. I, i.. col. 795. Mais il va plus loin et pense la trouver aussi dans le broiement du pain, comme dans l’effusion du vin. « Pourquoi, se demande-t-il, la consécration et la communion sous les espèces séparées ? — C’est que le Christ lui-même a introduit ce rite dans l'Église, il a consacré et donné à part son corps et son sang pour la division non de sa propre substance, mais du symbole qui devait la représenter ; le pain broyé par les dents devant signifier sa chair broyée dans la passion, et le vin répandu dans la bouche des fidèles le sang tiré de son côté. » II, viii, col. 826A.

De ce caractère figuratif, il recherche la raison : Cur visibile sacrificium invisibili Deo fiât ? II, h. Cur sacrificium Ecclesiæ non constet solo sacramento, vel corpore et sanguine sine sacramento, cur utrcqiie ? II, ni. Alger n’en appelle point ici à une notion générale du sacrifice qui impliquerait à titre d'élément essentiel une figure d’immolation ; pas plus pour lui que pour ses contemporains le problème de l’essence du sacrifice n’est posé. Il cherche ailleurs sa réponse. L’homme, être corporel et spirituel à la fois, a toujours besoin d’extérioriser son offrande intérieure : le sacrifice visible ne fait qu’exprimer le sacrifice invisible que nous sommes. II, ii, col. 815. La célébration du corps du Christ a besoin de figures, autant pour cacher à nos regards le corps et le sang du Seigneur que pour soustraire à ceux des infidèles nos mystères. Les merveilles qui s’accomplissent sous ces signes exercent notre foi comme les miracles qui parfois les découvrent nous la confirment. Car le sacrifice n’a pas pour fin de nous rendre oisifs, mais de nous faire porter des fruits. II. m. col. 819. Nous devons d’ailleurs pour participer à cette immolation, figurative de l’immolation passée du Christ, reproduire en nous la passion du Sauveur, par le crucifiement actuel de notre chair. I, xx, col. 797.

Cette conception traditionnelle du sacrifice eucharistique, fait de vérité et de figures, Alger de Liège, comme les autres antagonistes de Bérenger, la défend au nom des Pères et des théologiens ; il faut souligner ici avec Lepin, op. cit., p. 20, la « valeur intrinsèque et la partie considérable de l’information fournie par l'écolàtre de Liège sur l’idée du sacrifice eucharistique ». La synthèse qu’il propose est sans doute la plus riche et la plus harmonieuse qui ait été faite alors des divers éléments de la tradition patristique. Elle intègre aussi bien les idées d’Ambroise sur la conversion substantielle, que celles d’Augustin sur le caractère symbolique de la célébration eucharistique et sur l’oblation du corps mystique. Alger fournit ainsi le meilleur commentaire aux décisions prises contre Bérenger en 1079. De ces décisions, comme de ce commentaire, ressort bien nette la même doctrine : par le mystère de la prière sacrée et des paroles du Sauveur, la messe implique une conversion substantielle qui met sur l’autel, pour y être offert sous les signes de son Immolation passée, le corps du Christ identique à la victime du Calvaire et cela, non lantum per siynum et uirlulem sacramenti, sed in propriztute nuturæ et veritate substantiee. Profession de (oi imposée ù Bérenger, Denzinger-Ban., n. 355.

VIL RÉSULTATS ACQUIS A LA FIN DU XIe SIÈCLK.

Les analyses un peu longues qui précèdent nous permettent de résumer brièvement le mouvement doctrinal qui s’est fait du ix° siècle au début du xiie et d’en marquer les résultats.

Existence du sacrifice de la messe.

Il va de soi,

pour les premiers théologiens comme pour les Pères, que la messe est le sacrifice de l'Église. Le jour où certains hérétiques cathares rejetteront l’idée de sacerdoce, d’autel et de sacrifice chrétien, ils se verront immédiatement condamnés au synode d’Arras.

Si Bérenger professe de fausses idées sur la messe, il ne rejette point cependant le caractère sacrificiel de celle-ci : elle est pour lui, comme pour l’ensemblede la tradition, le sacrifice de l'Église.

2° Efficacité du sacrifice de la messe. — Que la messe contienne la vertu du sacrifice de la croix, nous communique l’efficacité de la rédemption, c’est aussi une vérité qui est admise et soutenue par tous les théologiens de l'époque, même par Bérenger.

3° Vérité ou réalité du sacrifice de la messe, son unité et son identité avec celui de la cène et de la croix. — Les premiers théologiens ont reçu de la tradition antérieure l’affirmation de la réalité du sacrifice eucharistique ; ils la proclament, nous l’avons vii, dans leurs ouvrages.

Mais cette vérité va subir une éclipse dans certaines âmes, du jour où sera posée la question de la part de vérité et de figure à reconnaître dans le mystère eucharistique. Batramne, tout d’abord, en faisant de la célébration du corps du Christ un simp’e mémorial, vide de la présence substantielle du Sauveur, Bérenger en reprenant cette thèse et en attaquant directement la transsubstantiation et la présence réelle, tendent par le fait à ruiner du même coup la vérité du sacrifice de la messe. De même ceux qui, rejetant l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ cherchent à expliquer l’unité du sacrifice chrétien par l’unité du Verbe omniprésent à toutes les hosties, compromettent à leur tour cette vérité.

En face de ces erreurs ou de ces obscurcissements, Pasehase Badbert et Hincmarauixe siècle, les antagonistes de Bérenger au’xie siècle, établissent ! a thèse de l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Sauveur et vont, par le fait même, préciser et développer la doctrine de la vérité du sacrifice eucharistique. Ils le feront en insistant sur l’identité du prêtre et de la victime à l’autel, à la cène et au Calvaire.

1. Le prêtre du sacrifice eucharistique.

La messe est pour les théologiens de cette époque une œuvre miraculeuse et divine, semblable à celle de l’incarnation et de la création, aux miracles des prophètes, et de l'Évangile : l’action seule du prêtre visible ne peut l’expliquer.

L’auteur de la Confessio fulei résume bien la pensée commune en ces mots : « Des yeux du corps, je vois à l’autel un prêtre qui offre du pain et du viii, cependant par le regard de la foi, dans la pure lumière du cœur, j’aperçois le prêtre souverain, le vrai pontife, Notre-Seigneur Jésus-Christ s’offrant lui-même. » Confessio fidei, IV, i, P. L., t. ci, col. 1087.

Mais comment faut-il concevoir l’action sacerdotale que le Christ exerce au cours de la messe ? — Certains théologiens, comme Florus, voient surtout cette action du prêtre invisible dans la consécration comme telle, en tant qu’elle est un acte transsubstantiateur, accompli par les divines paroles dans la puissance de l’Esprit-Saint. D’autres, comme Pasehase, Iliiieinar, l’auteur île la Confessio fidei, Rémi d’Auxerre, aiment à la considérer dans l’oblation actuelle proprement dite du sacrifice parle Christ lui-même. D’autres, enfin. rapportent plutôt l’oblation eucharistique à l’activité