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1049 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LES SUCCESSEURS DU LOMBARD

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leur suite. à reviser la vieille concept ion de la consécration par contact, et à se faire une idée plus théologique de la messe des présanctifiés et de la messe apostolique.

C’est ainsi que, d’après Robert Paululus, les apôtres, De consacraient pas uniquement par l’oraison dominicale, mais prononçaient auparavant la formule transmise par le Sauveur. De o/J. eccl., II, xi, t. clxxvii, col. 416. Jean Beleth rejette expressément la croyance à la consécration par contact. Il accepte la phrase sanctificatur…. Mais il l’interprète en faisant une distinction que les progrès de la terminologie vont rendre classique. Sanctifier, explique-t-il, n’est pas synonyme de consacrer. Il faut donc renoncer à croire, quoi qu’en disent certains auteurs, que le vin du calice à la messe des présanctifiés soit changé au sang du Christ : Est enim difjerentia inter consecratum et sanctificatum. Consecratum dicitur quod in consecrationc, ut ita dicam, transsiibslantiatur. Sanctificatum vero est quod per l’erborum significationem efjicitur sanction sine aliqua Iranssubstantiatione. Ration., c. xcix, P. L., t. ccii, col. 104 A. Voir Andrieu, op. cit., p. 47 sq.

Jean Beleth sera désormais suivi par ceux qui connaîtront la théologie de l'École. Toutefois pendant longtemps encore la théorie amalarienne subsistera dans des milieux moins éclairés. Mais cette doctrine ne pourra que disparaître avec une meilleure connaissance de la tradition, incompatible qu’elle est avec les principes formulés par les théologiens catholiques sur la forme unique et nécessaire de la consécration eucharistique. Andrieu, p. 54.

c) Témoignage et jugement sur la pratique des messes sèches et bifaciales. — Jean Beleth témoigne de la pratique des messes sèches à son époque ; il ne la condamne pas : Neminem debere uno eodemque die duas celebrare missas cum uno sacrificio, vel cum duobus, sed unam cum sacrificio, et aliam siccam. Ration., c. li, P. L., t. ccii, col. 58.

La messe sèche était une messe sans offertoire, ni consécration, ni communion. Elle s'était introduite sans doute pour donner satisfaction à la piété des fidèles qui réclamaient un nombre de messes de plus en plus grand. L'Église, pour empêcher les abus qui se glissaient dans l’usage de la pluralité des messes, avait bien fait des lois restrictives, voir art. Binage, t. ii, col. 893 et 894. Mais la dévotion indiscrète des fidèles et des prêtres cherchait une compensation à ces restrictions dans la pratique de messes qui contenaient les prières ordinaires de l’office sauf le canon. Plus tard Durand de Mende († 1296) dans son Rational décrira ainsi cette sorte de messe : « Personne ne peut célébrer deux messes avec un seul sacrifice, ou une seule messe avec deux sacrifices… Le prêtre peut aussi célébrer une seule messe avec le sacrifice, et une autre sèche. On dit messe sèche, parce que, si le prêtre ne peut pas consacrer parce qu’il a peut-être déjà célébré, ou pour une autre cause, il peut, après avoir pris l'étole lire l'épître et lvangile, dire l’oraison dominicale et donner la bénédiction ; de plus, si par dévotion et non par superstition, il veut dire tout l’office de la messe sans offrir le sacrifice, qu’il prenne tous les vêtements sacerdotaux et qu’il célèbre la messe dans son ordre jusqu'à la fin de l’offrande, passant outre la secrète qui appartient au sacrifice. Mais il peut dire la préface. Cependant, qu’il ne dise rien du canon, qu’il n’ait ni calice ni hostie, et qu’il ne dise, ni ne fasse rien de ce qui se dit ou se fait sur le calice ou sur l’eucharistie. » Rational, traduction Barthélémꝟ. t. VI, c. i, n. 23, t. ii, p. 12 et 13.

On peut deviner à quels abus pouvait prêter cette pratique utilisée par des prêtres cupides. Pierre le Chantre met en garde ses contemporains contre elle ; il montre le vide des messes sèches : Missa sicca quæ

est sine gratia et humore confectionis eucharistie non celebratur pro fidelibus. Verbum abbreviatum, c. xxix, P. L., t. cev, col. 106.

La messe sèche fut usitée sur la mer (missa nautica) lorsque le mouvement du bateau rendait la célébration de la véritable messe dangereuse ou impossible.

A condition que l’on ne voie dans cette messe qu’une prière et non un sacrifice, la chose en soi n'était point absolument condamnable. D’après Fortescue « les chartreux ont encore un nudum officium qui est tout simplement une messe sèche » et, d’après le traducteur de cet auteur, « la bénédiction des Rameaux au missel romain est un exemple classique de messe sèche. Mais la première partie de l’office du vendredi saint n’est-elle pas une messe sèche y compris la prière des fidèles ? » Fortescue, La messe, p. 252.

Les messes biou trifaciales. — C’est par contre un détestable abus que Pierre le Chantre dénonce avec force dans l’usage des messes doubles ou triples, missse bifaciativ, trifaciatæ. Elles consistaient en ce que le célébrant disait d’abord deux ou plusieurs fois la messe jusqu'à la préface, et ajoutait une seule fois le canon pour compléter le tout. « Pierre assigne pour principe à cet abus l’avarice de certains prêtres qui, sachant bien qu’il ne leur était point permis de célébrer plusieurs fois dans un jour, imaginèrent cette insertion de plusieurs messes afin de satisfaire à la dévotion de plusieurs personnes qui demandaient qu’on célébrât pour elles, et de toucher ainsi plusieurs honoraires. » Cardinal Bona, De la liturgie, t. i, p. 176. Pierre condamne cette pratique comme monstrueuse et contraire à l’institution et à la pratique de l'Église. Verb. abbrev., c. xxix, col.. 104. Voir aussi Ad. Franz, Die Messe im deutschen Mittelalter, p. 73-86.

2. Les théologiens.

a) Les premiers disciples de Pierre Lombard, Bandinus et Pierre de Poitiers envisagent la messe sous le même angle que le maître, et insistent comme lui sur le caractère représentatif et symbolique de l’immolation de l’autel. « De même qu’une peinture représente ce dont elle est l’image, et de même que l’image reçoit le nom de la chose qu’elle signifie, … ainsi l’immolation eucharistique porte le nom de l’immolation vraie qui n’a eu lieu qu’une fois. » Pierre de Poitiers, Sentent., t. V, c. xiii, P. L., t. ccxi, col. 1256 D.

b) Beaudoin de Cantorbéry († 1190), dens son Liber de sacramento altaris est plus original. En recherchant la signification des sacrifices de l’ancienne Alliance, « il donne une interprétation que nous retrouverons plus tard chez un bon nombre de théologiens, et que plusieurs prétendront appliquer au sacrifice en général, au sacrifice de l’eucharistie en particulier ». M. L-epin, p. 160. Cette généralisation, toutefois, est loin de sa pensée.

a. Les sacrifices anciens. — D’après lui, ceux-ci signifiaient trois choses : la faute de l’homme, le châtiment de l’homme, la grâce du pardon. Ils avaient donc surtout un sens expiatoire. L’homme par sa faute était coupable de mort ; la loi ne lui demandait point cependant de s’immoler, mais d’offrir le prix de sa rédemption. Par la mort des victimes que l’on immolait en quelque sorte à la place de l’homme, celui-ci se proclamait coupable et digne de mort pour sa faute. De sacr. ait., 1'. L., t. c< : iv. col. 647. L’immolation sanglante des victimes symbolisait ainsi l’idée d’expiation.

b. Le sacrifice du Christ ne tire point cependant sa valeur de la crucifixion elle-même comme destruction ; il vaut comme œuvre d’amour : In illa c/Jusione sanguinis non solum operuta est persequentium iniqnitas, sed operata est et Salualoris chewitas… Noii iniquitas, sedehuritas operata est salutem… Htec Christi char i las in morte Christi fuit violenlior quum Judieo-